Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Jérémy Frerot propose actuellement son troisième album solo "Gamin des sables". En interview sur Purecharts, le chanteur se livre sur la rupture à l'origine de la chanson "Adieu", l'intérêt de la presse people, l'influence du rap sur ses titres, l'état du monde, ou encore sa collaboration avec Christophe Maé. Rencontre !
Crédits photo : SARAH MANGERET
Propos recueillis par Julien Gonçalves.
Tu es de retour avec ton 3ème album "Gamin des sables". Comment tu l'as appréhendé ?
C'était bizarre parce que le deuxième je l'ai fait chez moi tout seul. Enfin, tout seul pas vraiment, mais en visio, avec plein de monde chez moi. Sur le premier, j'ai voulu me séparer des Fréro Delavega. Le deuxième, j'ai voulu faire de la scène et le troisième finalement c'est celui où j'ai eu le moins de pression parce que c'est celui où, en commençant la création, je ne me suis pas mis de barrière. J'ai pas voulu un certain style d'écriture ou de musique, on s'est dit que j'écrirais des chansons et on verrait ce que ça donne. Au final, en faisant ça, il y a eu une certaine trame qui s'est installée quand même dans les sujets, dans les manières de chanter aussi, dans plein de choses. C'est la première fois que dans un album j'écris peut-être 30 chansons pour après choisir les meilleures.
J'ai dû lâcher le deuxième album dans la douleur
Il y a un truc qui a lâché en toi j'ai l'impression...
Oui c'est vrai. Il y a beaucoup de choses sur cet album. Il y a un mélange des deux albums, il y a un retour à l'acoustique. Et je crois qu'il y a quelque chose aussi où je me comprends mieux peut-être. Il y a eu plein d'étapes qui ont fait que je m'ouvre un peu plus aussi sur moi.
Tu chantes "3ème album, meilleure école pour fouiller dans ma tête". Quelle a été l'impulsion de ce disque ?
J'ai dû lâcher le deuxième. Douloureusement, parce que j'ai eu un peu le sentiment de ne pas avoir tout fait dans cet album au niveau de la scène. L'histoire de cet album, elle n'a pas été simple parce qu'on sort l'album, on n'a pas le droit de chanter où on veut. C'était un peu galère. Mais quand même, j'avais fait ces chansons-là, elles me tenaient à coeur et j'avais envie d'aller sur scène avec cet album qui était fait pour ça. Donc j'ai un peu lâché ça douloureusement en me disant : "Bon arrête de pédaler dans la semoule, ça sert à rien". Je suis rentré chez moi, sur le bassin d'Arcachon, pour m'enfermer et penser à autre chose, essayer de capter un peu ce que j'avais fait. Digérer aussi et pour, peut-être, me remplir un peu la tête d'autres choses et écrire d'autres chansons.
C'était comment au quotidien ?
J'ai été sur le bassin, je me suis enfermé de plein de choses. Et ça a marché parce que j'ai vécu une vie là-bas très simple, très dans le partage avec mes amis, ma famille, mes enfants. Le partage aussi avec le bassin d'Arcachon qui est un endroit où, peu importe où tu vas, tu vois des choses assez dingues et assez belles. Ça m'a bien aidé de faire ça, j'ai été bien inspiré. A chaque fois, chaque album on repart de zéro donc sur celui là j'ai eu besoin de ça, j'ai eu besoin d'être chez moi. Au moment de la création, j'ai été à La Rochelle avec Laurent Lamarca. Il a un studio là-bas et toutes les chansons, je les écrivais là-bas. Donc oui, j'avais besoin d'être chez moi pour me remplir la tête et d'être chez lui pour créer et mettre sur papier ou sur chanson le résumé de tout ce que j'avais vécu.
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Il y a un titre dont on a beaucoup parlé, c'est "Adieu", le premier single, qui ne reflète pas vraiment l'album d'ailleurs. Est-ce que tu as eu peur que ce soit impudique de parler publiquement de ta séparation et de tes enfants ?
Non, je ne me suis pas posé la question. Et puis c'est un sujet qui m'a inspiré. Moi, je n'aurais pas trouvé ça impudique d'un autre chanteur. Ça aurait été dommage de laisser passer ça parce que je trouvais qu'on avait mis les bons mots au bon moment, au bon endroit. Ce n'était pas trop personnel non plus parce que les mots qu'il y a dedans, ils sont quand même assez pudiques. Ça peint juste le tableau d'une famille qui change de plan, et de parents qui, quand même, gardent tout l'amour pour leurs enfants et qui essaient de les éduquer de la meilleure manière possible. Je ne trouve pas que ce soit une chanson tellement gossip.
"Adieu", ce n'est pas une chanson gossip
Quand je parlais de pudeur, c'est que forcément la presse allait t'en parler, te questionner sur ça, qu'il allait y avoir toute une attention autour de ce sujet. Vous étiez devenu un couple people malgré vous....
Moi ça me dérangeait pas d'en parler parce que j'ai donné ce que je voulais donner. Ce que je voulais garder, je l'ai gardé finalement, donc j'en avais pas du tout peur. Je me suis rendu compte que plus t'écrivais des choses très personnelles dans ta vie, et plus ça en devenait très universel. Tout le monde était touché par ça. Donc il faut bien passer par un gars qui l'a vécu pour écrire une chanson comme ça. Moi j'ai vécu ça, je l'ai écrit et ouais ça a touché. C'est un foyer sur deux, du coup ça a touché tout le monde.
Oui, ça part de l'intime et ça parle finalement à beaucoup...
En vrai, il y a eu ce côté un peu de questionnement sur ce qui s'est passé, moi personnellement. Mais finalement c'est une chanson que j'ai écrite moi. Ça n'engage personne d'autre que moi. Je veux dire... La mère de mes enfants n'a pas pris le stylo et écrit avec moi. C'est moi qui l'ai écrit tout seul. C'est ma vision des choses. Donc finalement elle n'a rien à voir là-dedans, mis à part qu'on a fait tous les deux des enfants. Elle n'y est pour rien.
Tu es quelqu'un de pudique, de discret. C'est difficile d'être une personne publique et de voir encore des rumeurs sur sa vie amoureuse dans la presse people ces dernières semaines ?
Non, c'est pas difficile parce que je n'y porte pas attention. Enfin, si, je vois ce qui se passe mais... Tant que ce n'est pas moi qui le dis... Tant que je ne valide pas ça, les gens, ils ont ça, mais ils ne savent pas si c'est vrai ou pas. Ils ne savent pas. Mais au-delà de ce magazine, qu'on parle de moi ça me touche parce que ça veut dire qu'on écoute, ça veut dire qu'on est touché par ce que je fais, ça veut dire qu'il ya de l'intérêt donc finalement non, je suis assez content. Après, le reste je ne peux pas contrôler, j'arrive pas à toucher ça.
Je suis très nostalgique de Fréro Delavega
Je me souviens qu'en sortant ton premier album solo, tu avais beaucoup de doutes. Le fait qu'il ait rencontré un joli succès et que le deuxième ait confirmé, ça t'a rassuré sur ta légitimité ?
Ah ouais, ces deux ans m'ont permis de me rendre compte que je me sentais plus légitime à être là parce que j'ai eu l'impression d'avoir réussi à installer deux albums où j'ai fait disque d'or. Ça reste un cercle fermé quand même chez les artistes d'atteindre ça, je me sens très chanceux de pouvoir être là, pouvoir être entendu, pouvoir avoir des portes ouvertes à toutes les radios, ça c'est incroyable aussi. Tous les artistes ne peuvent pas se dire ça, donc je pense que j'ai réussi à m'installer et c'est ça qui a créé une ouverture, je pense, sur ce troisième album.
Il y a une ouverture et un lâcher-prise comme on le disait. Mais est-ce qu'il y a aussi une espèce de pression de faire aussi bien commercialement ? Vu que les deux premiers ont été des succès, que les radios sont là, que les salles sont pleines...
Ah non car ça tu ne peux pas savoir comment ça va se passer. Après, tu as envie de faire aussi bien. Mais tu ne te dis pas : "Je sors cet album parce que je suis sûr qu'il va péter". Je sors cet album parce que je sais qu'il me touche moi. Ça, c'est déjà un bon point. Et ensuite, s'il me touche moi, je réussirai plus à toucher les gens. Donc peut-être que ça marchera mieux... C'est ça que je me dis.
J'évoquais cette appréhension du passage entre Fréro Delavega et l'étape en solo. Est-ce que la dynamique du duo te manque ?
J'ai galéré un peu pour les prendre mais j'ai bien pris mes marques. Après, c'est sûr que je suis très nostalgique de ce qui se passait avant, évidemment. Mais maintenant que je suis lancé, que j'ai ma place, je la garde. (Sourire) J'adore être ce que je suis.
Sur l'album, j'ai remarqué qu'il y a un phrasé plus parlé, parfois même un peu rappé. J'adore la chanson "Zéro", peut-être la plus forte de l'album. Il y a même une belle influence Stromae sur "Avec ou sans". Tu sais d'où ça vient ?
Le rap, j'en écoute beaucoup. J'aime le rap parce que la gymnastique des mots me touche. Il peut y avoir des chanteurs, des sons et des mélodies qui m'attrapent, ça c'est évident, mais la gymnastique des mots et les mots peuvent me toucher aux larmes très rapidement. J'ai toujours eu envie qu'un rappeur pose sur un de mes titres comme là avec Kemmler. Il a fait ça vraiment hyper bien, avec beaucoup de poésie, beaucoup de tact, j'ai adoré. Le fait de faire venir un peu plus de rythme dans les mots, un peu plus de débit aussi, je pense que c'est l'influence de ce que j'écoute. Je pense que c'est aussi le fait de connaître et d'avoir côtoyé beaucoup ces derniers temps Ben Mazué, ça peut m'influencer. Je suis une éponge !
Je suis assez mauvais joueur, je suis très compétiteur
Et c'est facile justement de déconstruire un peu sa façon de chanter ?
Non c'est pas facile du tout mais j'essaie, je pense, d'avoir cette nonchalance qui fait qu'un texte rappé va quand même devenir quelque chose d'assez doux et pas quelque chose d'agressif. Et pour la chanson "Zéro", c'est une chanson qui existait déjà. C'est une chanson de Vincha qui existait sur Youtube et qui n'avait pas de refrain. C'était un questionnement sur 3 minutes qui ne s'arrêtait jamais. Je lui ai demandé à ce qu'on reprenne ce texte et qu'on mette un refrain pour le rendre plus accessible et que les gens entendent ces mots parce que j'étais tellement touché et subjugué par cette manière de faire et ce texte-là que j'avais envie qu'un maximum de monde l'écoute.
Tu chantes "Tant pis pour les chiffres, tant pis pour la frime, tant pis pour la fame, tant pis pour le fric". Tu parles aussi des records, des scores, de la gloire... Le succès ne t'a pas rendu heureux, c'est ce que je peux comprendre dans ces mots ?
Ah si si le succès ça m'a rendu heureux, parce que je fais de la musique populaire, je veux qu'un maximum de gens soit touché par ma musique, et j'ai envie de chanter devant le plus de monde possible. Du moins, devant assez de monde. Le succès me plait. J'aime faire la gymnastique entre être dans le succès et être chez moi tout seul dans l'ombre. Le pont entre la chanson "Adieu" et "Tout l'or du monde", c'est l'équipe. Dire qu'on s'en fout des numéros un, des chiffres, tant que tout le monde est ensemble et se sent bien, et qu'on avance dans le même sens pour que ça se passe dans le meilleur des mondes. Après, je peux pas vous cacher que moi, je peux être un très mauvais joueur. Dans les jeux, je suis une merde. (Rires)
Pourtant, les sportifs, ils sont fair play, non ?
Ah non ! Les sportifs, c'est des fous furieux. Ils peuvent faire la gueule pendant une semaine parce que vous avez gagné aux cartes. Ça m'est arrivé ! (Rires) Ou à Mario Kart, par exemple. Je suis assez mauvais joueur, je suis très compétiteur. Donc le jour où tu me dis "T'as gagné ça", je suis trop content mais je vais pas l'exposer, en mode "c'est moi le meilleur". Et en même temps, j'adore entendre les autres, j'adore dire aux autres que c'est génial ce qu'ils font et je trouve qu'on ne le fait pas du tout assez. On a comme un problème avec ça en France où on n'arrive pas à se dire qu'on est bon, qu'on s'aime. C'est très bizarre parce qu'il y a une sorte de concurrence qui s'installe et je ne l'aime pas moi celle-là. Ça me gonfle.
Christophe Maé compose "Toute la nuit" sur ce nouvel album. Comment s'est faite la connexion ?
Je le connais depuis très longtemps car j'écoute ses albums, je les ai poncés. Ensuite, je l'ai vu jouer sur scène, c'est impressionnant. Mais je ne le connaissais pas personnellement. On s'est retrouvé aux Enfoirés, on a vachement sympathisé, et un été où je faisais le tour de Corse, on s'est contacté, il m'a invité chez lui. On s'est retrouvé à la fin d'un repas à prendre une guitare et à jouer, ça a créé une chanson, avec un refrain hyper puissant. Je suis très fier d'avoir collaboré avec lui sur cette chanson.
On se fait défoncer d'informations et ça nous angoisse
Tu évoques beaucoup le monde sur ce nouveau disque. L'état actuel du monde, en tant que papa et citoyen, c'est un truc qui t'inspire, qui t'inquiète ?
Oui, bien sûr. C'est beaucoup d'inquiétude parce que c'est beaucoup d'informations tout le temps, j'ai l'impression qu'on a besoin de commenter tout ce qui se passe. Tout est un sujet, tout arrive en plus très brusquement, très violemment, sans pincettes donc ça fait peur. J'avais l'habitude de regarder le JT tous les soirs en faisant à manger à mes enfants. Et je me suis rendu compte que ça les avait matrixés. À la fin, mon fils voyait tellement Emmanuel Macron qu'il voulait l'inviter à son anniversaire. Et moi, ça me rendait fou, donc j'ai arrêté. J'ai enlevé la télé le soir. On se fait défoncer d'informations et ça nous angoisse.
Et justement, tu es plutôt optimiste ou pessimiste?
Non, je préfère être optimiste. Je préfère mettre un peu de poésie dans le monde de mes enfants et qu'ils voient un peu tout ce qui se passe de beau parce qu'il y a plein de choses, il y a plein d'entraide. Il y a beaucoup d'entraide je trouve en France.
On retrouve également Claudio Capéo sur la chanson "C'est comme ça". Comme toi, il a été révélé dans "The Voice", et il est même devenu coach dans "The Voice Kids". C'est un truc dans lequel on pourrait te voir ?
Ah oui ! Oui ça pourrait me plaire. Avant j'ai toujours dit non parce que je ne me sentais pas à l'aise avec ça. Aujourd'hui, avec cette légitimité, je me sens plus à même de le faire. Mais je le prendrai encore une fois comme une équipe. Je créerai mon équipe et on essaierai de faire les meilleures prestations possibles avec les artistes qu'on a.
On t'a contacté ?
Non, pour l'instant non, parce que... Je n'en sais rien pourquoi mais c'est un truc qui me plairait grave.