Kylie Minogue

Crédits photo : BMG
Coïncidence heureuse ou stratégie maligne, Kylie Minogue célèbre le 35ème anniversaire de son tout premier album "Kylie" au moment même où elle s'apprête à livrer son 16ème album studio "Tension". Avec un flair imparable, la star australienne a su, peut-être plus que quiconque sur les cinq dernières décennies, sentir l'air du temps d'un paysage pop en mutation constante. Aussi, lorsque "Padam Padam" est arrivé dans toutes les playlists en pleine vague nostalgique des années 90 et 2000, la chanteuse a frappé dans le mille, faisant valser les conventions pour s'offrir sa première tendance virale sur TikTok et faire plier sur les radios réfractaires à l'idée de passer le morceau d'une artiste de plus de 50 ans. Et justement, au fil de l'album "Tension", pensé comme « un all killer, no filler », Kylie Minogue prouve qu'il n'y a pas d'âge pour utiliser la force libératrice de la musique pop et transcender les frontières.

La fever du samedi soir

En entrant dans le vif du sujet avec son dernier hit, Kylie Minogue invite d'emblée le public sur la piste de danse pour, à de rares exceptions près, ne plus jamais le laisser quitter la ferveur grisante d'une discothèque. « You look like fun to me » lance-t-elle d'une voix sensuelle sur "Padam Padam", faisant battre le coeur de l'auditeur au rythme du tube signé LOSTBOY (Zedd, Little Mix). Guère originale à l'oreille certes mais diablement redoutable. C'est globalement le constat qu'on peut tirer du disque dans son entièreté, où les mélodies, qu'elles soient électro-house ou se parent d'une couleur disco-pop, paraissent familières, sans être ni paresseuses ni ambitieuses. A-t-on réellement besoin de réinventer la roue quand on sait maîtriser son sujet comme Kylie Minogue ? Sa voix tout en volupté (qui semble insensible aux affres du temps) est celle de la tentation à assouvir, du plaisir à partager. Tout ce qu'elle désire ici nous transmettre est l'effervescence d'un instant, sensation devenue fil rouge du projet que retranscrit à merveille la deuxième piste "Hold On To Now", véritable "Kylie song" dans l'âme, extatique et planante donc. Elle devait, à l'origine, être érigée au rang de deuxième single mais le succès surprise de "Padam" a finalement joué en faveur de "Tension", beaucoup plus clubbing.

Bonbon auditif et capsule temporelle, "Things We Do For Love" synthétise assez bien l'autre facette d'un album qui, « sans que ce soit intentionnel » glisse-t-elle dans un semi-sourire en interview à Purecharts, est parsemé de multiples références à d'autres ères musicales de son passé. Dans les arrangements ou l'énergie qui s'en dégage, cet hymne « romantic, overdramatic » est un délicieux hommage aux années 80, décennie qui fut celle de sa jeunesse, des premières fois, et donc associée à une sorte de fougue que la diva voudrait canaliser. Des réminiscences qui jaillissent comme des étincelles sur "You Still Get Me High", dont le refrain fait la part belle aux synthétiseurs, "Vegas High", single évident et évidemment bâti en écho à sa prochaine résidence à Las Vegas, ou le titre de conclusion "Story". Et même dans les titres les moins pétillants de l'opus - comprendre par davantage calibrés pour une soirée lounge avec cocktails, Kylie Minogue sait faire tourner la boule à facettes en insufflant à "One More Time" et "Green Light" des reflets disco-funk attrayants. Une recette déjà éprouvée donc, qui confère à cet album des airs de plaisir coupable.




A l'heure où la pop se fait de plus en plus intime en termes d'écriture, dans le sillage de jeunes artistes à fleur de peau comme Billie Eilish ou Olivia Rodrigo, on pourrait reprocher à Kylie Minogue de ne guère se livrer sur le plan personnel dans les textes de "Tension". Pour parler d'amour et de désir, la star préfère rester en surface et trouver le bon mot, la punchline qui fera mouche, à l'introspection. « Je garde effectivement une grande de partie de ma vie privée, je pense que c'est le plus sage à faire pour rester saine d'esprit dans ce métier. Ça me plaît beaucoup quand une chanson peut résonner en moi mais être plus universelle, et presque comme une question sans réponse » reconnaît-elle dans notre interview qui paraîtra ce week-end. Toutefois, cette universalité fait sa force. A l'exception de la micro-tentative rap du morceau "Hands" (qui fera sans doute lever quelques sourcils...), on nage dans des eaux familières, à bonne température. Et on s'y sent bien !