Chimène BadiVariete Francaise » Variété française
samedi 21 janvier 2023 12:55
Chimène Badi en interview : "Edith Piaf avait en elle une force qui me bouleverse"
Par
Julien GONCALVES
| Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Chimène Badi est de retour avec un album de reprises des chansons d'Edith Piaf. En interview pour Purecharts, la chanteuse se confie sur la génèse de "Chimène chante Piaf", les critiques, son lien avec la Môme, l'idée d'une suite de son disque et répond aussi aux comparaisons. Rencontre avec une artiste authentique.
Crédits photo : Thomas Braut
Propos recueillis par Julien Gonçalves. Comment est né cet album de reprises d'Edith Piaf, "Chimène chante Piaf" ? Ça faisait longtemps que j'avais envie de faire un hommage à Edith Piaf. Ça faisait des années ! Mais je ne me voyais pas chanter des chansons comme "Non, je ne regrette rien" à 20 ou 25 ans. Pour moi, il fallait que je vive, que j'aie mes expériences de vie, de femme entre autres, pour incarner les chansons comme il se doit. Sinon ça veut dire que je n'aurais pas été authentique. Peut-être que je les aurais bien chantées parce que je me débrouille, mais je sais pas, moi je voulais les vivre. Quel a été le déclic ? Lors du premier confinement, on était tous en stand by, ma tournée s'était arrêtée. Et dans le spectacle que je faisais à ce moment-là, je chantais "Non, je regrette rien". Un jour, j'étais chez moi, je réfléchissais à plein de choses, à la suite, ma carrière, ma vie... Je réécoutais beaucoup Edith à la maison, beaucoup, beaucoup. Je sais pas, j'ai pris le téléphone et j'ai appelé mes producteurs de spectacle pour leur dire : "Il faut que je vous dise un truc, vous allez peut-être me prendre pour une dingue mais je veux que mon prochain spectacle ce soit un hommage à Edith Piaf". Je ne voulais pas abîmer les oeuvres d'Edith Piaf Tu dis t'être autorisée à le faire maintenant. Est-ce que c'est aussi car s'attaquer à un répertoire pareil, c'est sacré ?Tu ne peux pas y aller en dilettante ! Là, sur des oeuvres pareilles... En règle générale, moi j'y vais toujours à fond mais sur des chansons pareilles, il faut le respect nécessaire, il faut les comprendre réellement et il ne faut surtout pas dénaturer. Tout ça, c'était super important. Il me fallait du temps, et aussi cette légitimité que je recherchais et que je n'avais pas dans ma tête, dans mon coeur, à ce moment-là. Je ne me sentais pas prête, je savais que je n'avais pas vécu le quart de ce que je pourrais raconter autour de cet... J'ai pas envie de dire album, car je ne l'ai pas réfléchi comme un album. Ce n'est pas comme ça que je le ressens. Je ne voulais pas abîmer les oeuvres d'Edith Piaf, c'était trop important. Et il y avait aussi beaucoup d'amour pour cette artiste. Je voulais que tout ça ressorte dans l'hommage, donc j'ai eu besoin de temps. Et je pense que j'ai bien fait. Là, quand j'ai pris le téléphone et que j'ai appelé mes producteurs, j'ai senti que c'était le bon moment. Légitime enfin. Pourquoi maintenant ? Parce que chanter "Non, je ne regrette rien" aujourd'hui, je peux le faire. J'ai un parcours de vie qui me permet de le faire. Chanter ça plus jeune c'est quand même abusé. Sinon ça n'aurait pas été dans un hommage, on aurait été dans un concept, dans un projet, mais pas dans un hommage. Le player Dailymotion est en train de se charger...
Tu as souvent repris Edith Piaf dans le passé. Qu'est-ce qu'elle représente pour toi ? Elle représente une artiste féminine forte déjà. Cette force chez elle me bouleverse beaucoup. Une voix dans un petit corps particulier, avec une voix qui vient de je ne sais où. Et un vibrato hyper atypique, qu'on ne retrouvera pas car il lui est propre. J'ai le sentiment qu'elle ne s'est jamais dissociée de ses chansons, que c'est un bout de son histoire à chaque fois. Je trouve ça super fort aussi. Les textes sont très puissants. Et puis les mélodies, elles ne sont pas si évidentes, ce n'est pas un truc que tu écoutes une fois et ça reste dans la tête. C'est ce que je préfère. Elle représente un tout. Grâce à elle, je suis tombée en amour de la langue française et de la chanson française. Florent Pagny qui m'appelle souvent "la Môme" On t'a souvent comparée à Edith Piaf...À mes débuts, oui. Et Florent Pagny qui m'appelle souvent "la Môme" ! C'est drôle. J'avais un vibrato qui était très présent. C'est comme le miel, par exemple, si tu en manges trop, ça peut être écoeurant. Un vibrato c'est pareil, s'il y en a trop, ça peut être agaçant. Et ça m'agaçait aussi pour être honnête avec toi. J'ai travaillé, j'ai pris des années de cours de chant pour apprendre à l'enlever, à le mettre quand je veux. Au début, je chantais beaucoup comme ça. Mon vibrato est très différent du sien mais ça devait le rappeler peut-être... En tout cas, c'est une jolie comparaison, ça ne m'a jamais dérangée. Il n'y a qu'une seule Edith Piaf, et elle restera l'unique. Je n'ai jamais cherché à l'imiter, je cherche juste à lui témoigner mon amour. Et qui sait, peut-être qu'avec cet hommage, la jeune génération découvrira une artiste qui est importante chez nous ? Et c'est déjà pas mal. Tu as redouté les critiques que l'on fait souvent aux albums de reprises ? Je ne les ai pas redoutées mais je savais que c'est quelque chose qui pourrait arriver oui... Mais tu vois, hier j'ai eu un message sur un réseau social. Une personne m'a écrit : "Je me disais encore des reprises, surtout Edith Piaf ! Mais merci car vous ne l'avez pas du tout imitée et merci parce que ça fait du bien de la réentendre". Ça me fait plaisir ! Pour ceux qui ont un souci avec ça, c'est pas grave, c'est humain. Il y a aussi des personnes très attachées à elle, et ça va peut-être les embêter que je la touche. Ce que je peux comprendre, je ne suis pas idiote, je comprends tout ça. Ça fait partie du jeu, ça ne me dérange pas. Le choix des chansons a été facile ? Car on retrouve tous les gros tubes d'Edith Piaf ! J'ai choisi les chansons que j'aime, avec lesquelles j'ai grandi, qui m'ont bercée et qui ont bercé le public d'Edith Piaf je pense. Des chansons qui ont traversé les frontières aussi. J'ai voulu me faire plaisir, et je pars du principe que si je me fais plaisir, je vais faire plaisir à mon public. J'ai aussi repris "Les amants d'un jour", qui est moins connue mais qui me touche même si elle est plutôt dark, l'histoire est super triste. On sortait aussi des grandes chansons connues. Mais je ne pouvais pas passer à côté de "Mon Dieu", "La foule", "La vie en rose", "Padam", "L'homme à la moto"... Elles sont trop fortes, c'est pas possible ! Ça sonne aujourd'hui mais on est dans le respect total Ça a été difficile de revisiter ces classiques ?La pression elle était surtout dans ne pas tomber dans le mimétisme, ne pas dénaturer mais pour autant les faire évoluer dans l'air du temps. Tiborg, le réalisateur de l'album, m'a beaucoup apporté. Musicalement, je n'ai pas le sentiment que ça sonne daté. Ça sonne aujourd'hui mais on est dans le respect total, on les reconnaît les chansons ! C'était important pour moi. C'est ce qui me faisait le plus peur. J'avais très peur qu'on n'y arrive pas, qu'on ne trouve pas le chemin. Quand on écoute "La vie en rose", c'est un titre qui a été repris je ne sais pas combien de fois, et elles sont toutes plutôt vraiment marquées. C'était difficile d'avoir notre propre version, mais on a cherché et on a réussi. C'était le défi. Mais c'est génial aussi que tout ne soit pas facile. J'ai travaillé de façon chirurgicale sur cet hommage. Ça vient de mes tripes, de mon coeur, c'est mon petit truc précieux que je voulais protéger. Tu as aussi rencontré Charles Dumont, le parolier de Piaf. C'était important pour toi ? C'était important pour avoir son aval. C'est surtout ça ! Le jour où je l'ai rencontré, j'entre et je ne voyais que ses jambes. C'est dingue ce qui m'est arrivé... J'entre, je vois ses jambes et je pleure ! C'est dingue mais j'ai eu le sentiment de déjà le connaître. Je m'assois à côté de lui, je commence à parler avec lui, j'avais les larmes qui coulaient toutes seules. J'étais déjà tellement touchée d'être là, de parler avec cet homme qui l'a connue, qui a travaillé avec elle, qui la connaît mieux que nous tous. Il a son parcours, son histoire, c'est un artiste immense. J'étais impressionnée, touchée, et j'avais le sentiment de l'avoir toujours connu. Et en plus, on s'est mis au piano, et c'était celui où Edith s'était accoudée pour chanter aussi. C'était dingue, ça m'a complètement retournée. Je ne te cache pas que ça m'a mis une lourde responsabilité sur les épaules de le rencontrer. Il m'a dit : "Je sais que vous êtes honnête dans votre démarche, je sais que vous l'aimez vraiment. J'ai vu beaucoup de gens reprendre Edith mais je sais que vous le faîtes avec amour et affection. Vous êtes la bonne personne pour le faire". Je l'ai pris en considération. Ça m'a permis de me sentir à ma place. Ça peut paraitre désuet pour certains Edith Piaf est connue dans le monde entier. Tu as des ambitions internationales avec cet album ?Alors, moi je suis honnête, je ne vais pas te mentir, je n'ai pas pensé à ça. Les équipes avec qui je travaille oui. Moi je l'ai vraiment pensé comme un hommage, je voulais chanter ses chansons, c'est une artiste que j'aime, j'ai envie de la faire connaître à ceux qui ne la connaissent pas bien, la faire redécouvrir à ceux qui l'aiment. C'est un registre dans lequel je suis bien. Quand je chante "La foule", je suis dans les étoiles. Même si ça peut paraitre désuet pour certains, je n'ai pas de problème avec ça. Edith était une grande avant-garde, elle était en avance. Enfin bref, oui on m'en a parlé mais je ne pense pas à tout ça, je les laisse gérer. J'ai mon Olympia le 22 janvier, c'est hyper fort symboliquement. Moi je veux kiffer et vibrer ! Je veux juste décider de ce que je chante, de ce que j'ai envie de faire et de ne pas faire. Le reste, ce n'est pas mon job. Tu penses à une suite de cet album ? Il y a des choses auxquelles je pense. Mais je peux rien dire, j'y réfléchis, et je n'en ai parlé à personne encore ! (Rires) Podcast
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