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TIF | "1.6"
Porté par le somptueux single "Hinata", l'EP "1.6", dévoilé en mars dernier, a confirmé les immenses espoirs placés en la personne du rappeur algérien TIF. Un projet sur lequel l'artiste de 27 ans déroule avec maestria sa formule unique, où se symbiotisent des émotions presque palpables avec des mélodies envoutantes et hypnotiques à souhait. Avec sa musique emplie de mélancolie, à la croisée des influences - parfait mélange de rap, de musique andalouse et de chaâbi, Toufik Bouhraoua, de son vrai nom, a tout pour devenir un futur très grand artiste. D'autant plus qu'il peut légitimement nourrir des ambitions internationales, lui qui mêle admirablement le français et l'arabe dans une proposition musicale qu'il sublime lorsqu'il la décline sur scène, comme en atteste la version live du disque parue en novembre avec pas moins de six pistes magnifiées. Une star est née.
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gapman | "Prochaine Chèvre"
Dans un tout autre registre, le Lillois gapman fait partie des artistes underground qui ont décidé de redonner ses lettres de noblesse à la trap, courant omniprésent dans les années 2010 avant de tomber quelque peu en désuétude à l'aube de la nouvelle décennie qui s'annonçait - à l'instar d'un certain
La Fève qui vient de sortir la mixtape incandescente
"24". Ouvertement inspiré de la scène de Memphis, le jeune rappeur a grandement contribué au renouvellement d'un genre qui en avait bien besoin en France sur le projet explosif d'une grosse vingtaine de minutes "Prochaine Chèvre", lâché en juin dernier. En résultent des ambiances sombres dépaysantes, notamment grâce au travail d'éminents producteurs tricolores (Ikaz Boi et Binks Beatz en tête), digne de ce qui se fait de mieux de l'autre côté de l'Atlantique.
Jewel Usain | "Où les garçons grandissent"
Actif depuis une dizaine d'année malgré une oeuvre jusqu'à présent plutôt confidentielle, Jewel Usain a trouvé ces derniers temps un univers artistique qui lui sied à merveille. Et il a décidé de le concentrer sur son premier effort revendiqué "Où les garçons grandissent", paru en octobre et unanimement salué comme l'une des meilleures sorties du cru 2023, en continuant de développer une palette de sonorités aussi large que réfléchie. Fort de ce drôle de parcours, le rappeur s'appuie sur cette expérience considérable, devenue au fil des ans une force, pour offrir un disque cohérent qui s'avère être un véritable album en tant que tel à l'époque des compilations qui, trop souvent, n'ont pour seul but de cumuler les écoutes sur les plateformes de streaming. Le tout en s'appuyant sur une technique rap intrinsèque toujours aussi au point. Une révélation tardive pour l'artiste de 34 ans, totalement en phase avec sa musique, qui narre sa réalité entre rap brut et confessions personnelles d'une sincérité déconcertante, et par conséquent particulièrement touchante, dressant le bilan du passé et évoquant un futur radieux. Grandiose.
Mairo | "omar chappier"
Après des succès d'estime notables, comme ce fût le cas avec son EP "Rougemort" en 2021, Mairo a choisi de conserver le même format pour huit nouveaux morceaux délivrés en mai et réunis sous le nom "omar chappier". Membre du vaste collectif SuperWak Clique (dont sont issus des références de la scène helvétique comme Makala, Di-Meh, Slimka etc.), le rappeur suisse originaire d'Érythrée et d'Inde y convie la crème de la relève du rap français avec H Jeunecrack, Implaccable, NeS ou encore Wallace Cleaver. Sur ce disque produit en grande partie par son frère jumeau - connu sous le pseudonyme Hopital et avec qui il a fondé son propre label Monde Libre, l'artiste se révèle aussi talentueux que passionné avec des placements complexes. Il y expose ses influences historiques admirablement digérées ainsi qu'une modernité indéniable portée par une créativité folle, notamment par le biais de textes singuliers qui n'hésitent pas à aborder, entre autres, politique et philosophie. Un véritable point de bascule pour la suite d'une carrière qui s'annonce brillante. Et comme si cela ne suffisait pas, Mairo a enfoncé le clou en septembre sur l'EP commun "Déjeuner en paix" avec le belge JeanJass (en hommage au tube éponyme de Stephan Eicher), alors qu'il avait déjà offert le projet de trois titres "Qui a volé le soleil ?" avec son compère Slimka en mars. Une année charnière réussie haut la main.
Jeune Mort | "No Colors"
Alors qu'il comptait déjà parmi les plus belles révélations de 2022 avec ses EPs "Mortuus" et "Avant l'Aube", Jeune Mort a décidé de récidiver cette année, le 1er décembre plus précisément, avec le disque "No Colors". L'artiste appartenant au label de la 75e Session, collectif dont il était auparavant très proche (Sheldon, M le Maudit, Sopico, Hash 24, Népal...), compte lui aussi une bonne décennie d'activité derrière lui - il était anciennement connu sous le nom de Zoonard au sein du groupe Bohemian Club. Rappeur technique capable de s'adapter à tout type de production, il s'appuie sur un vécu artistique mis à profit sur ces neuf titres. L'écriture s'inscrit au coeur de son projet musical, avec une tristesse sans fond - frôlant même parfois la morbidité - exprimée par l'intermédiaire d'addictions visiblement critiques. Cette noirceur omniprésente, viscérale mais toujours évoquée de manière sophistiquée, devient une force grâce à la solidité de la direction artistique : on s'offre ici une véritable plongée dans l'esprit torturé d'un rappeur autodestructeur. Si on peut noter la présence du belge Isha, toujours aussi remarquable sur "Paire Blanche", les retours dithyrambiques des auditeurs seront potentiellement le seul rayon de soleil dans ce ciel ô combien ombragé.