Adele, Orelsan, Juliette Armanet : 3 albums au banc d'essai
Pure Charts passe en revue trois albums phares sortis il y a quelques jours. Adele nous touche avec authenticité sur "30", Orelsan signe un retour politique mais mitigé avec "Civilisation" tandis que Juliette Armanet allume la mèche sur "Brûler le feu". Critiques en quelques lignes !
Crédits photo : Montage Pure Charts / Pochette / Alice Moitié
Adele | "30"
Singing in the rain. C'est peu dire que "30", le nouvel album d'Adele était attendu. Six ans après le succès monstre de "25", la chanteuse avait une pression énorme sur les épaules pour ce 4ème disque de sa carrière, reporté à plusieurs reprises. Avec une telle attente, difficile de satisfaire le public. Et l'artiste l'a bien compris. D'autant que ce projet intime est très important pour elle, personnellement d'abord puisque l'artiste y dévoile ses douleurs, questionnements et failles, après son divorce fracassant. S'éloignant un peu d'un gros son formaté, Adele a priorisé les histoires à raconter et les émotions à véhiculer que l'impact commercial. Ainsi, l'interprète de "Hello" prend une sorte de contre-pied ici en proposant un journal intime musical de 12 pistes, balayant les attentes énormes en privilégiant des morceaux hors formats (6 titres durent plus de 5 minutes), pour mieux prendre son temps afin de nous livrer ses blessures, faisant ici et là l'impasse sur les refrains forts et les mélodies épiques que l'on attendait tous. Forcément, à la première écoute, "30" déçoit un peu et "Easy On Me", la locomotive de l'album, semble être le seul titre aux allures de véritable tube. Ce n'est en réalité pas le cas ! Au fur et à mesure des écoutes, le disque pop-soul, produit d'une main de maître par la crème (Greg Kurstin, Max Martin, Shellback, Ludwig Göransson...) mais qui traîne parfois en longueur, se laisse apprivoiser, se révélant plus profond et authentique, tout en étant surchargé en émotions (et en choeurs jusqu'à l'overdose, c'est vrai). L'accrocheur "Oh My God" nous fait taper des mains immédiatement, le facile "Can I Get It" (avec ses sifflements et ses riffs) lui assure un single fort, "Woman Like Me" renoue avec la simplicité de ses premiers albums, tandis qu'avec "To Be Loved"Adele nous serre le coeur à s'en casser la voix. Et que dire de "My Little Love" ? Le titre nous fait monter les larmes à mesure que la chanteuse fend l'armure en s'adressant à son fils, en chantant mais aussi lors d'un dialogue ponctué d'une confidence bouleversante sur sa solitude. Somptueux. JG
Ça ressemble à l'album ambitieux d'une star qui n'a plus rien à prouver A écouter : le joyau soul "My Little Love", le tubesque "Oh My God", "To Be Loved", "Love Is A Game" A zapper : "Strangers by Nature", dispensable, "Hold On", interminable
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Orelsan | "Civilisation"
Plus si "Basique"... Avec Orelsan, on a l'habitude. Il faut laisser plusieurs jours de réflexion après chaque sortie d'album. On se souvient avoir été décontenancé en 2017 quand le rappeur, d'habitude à l'humour décalé, faisait le plein de spleen sur "La fête est finie". Déroutant aux premiers abords, le disque a finalement révélé tous ses bons points au fil des écoutes. Il devrait en être de même pour "Civilisation" qui, avouons-le d'emblée, ne nous a pas autant emballé. Peut-être que l'attente était trop grande... En se plongeant dans les 15 titres denses qui le composent, trois parties se distinguent : sur la première, Orelsan revient sa carrière ("Shonen", "Seul avec du monde autour"), sa jeunesse via le doux-amer "La quête", véritable tube de l'album, et fait un clin d'oeil au Orelsan des débuts sur "Du propre". Dans la deuxième partie, plus percutante et plus réussie, le rappeur n'évoque plus lui-même mais le monde qui l'entoure via les deux coups de poing "Manifeste" et "L'odeur de l'essence", où il dresse le bilan d'une France au bord de l'implosion. Deux masterclass où Orel multiplie les punchlines fortes sur la politique et la société, pour notre plus grand plaisir. Sur la troisième, l'artiste alterne entre messages d'amour à sa femme ("Athena" ou le funky "Ensemble") et interrogations sur son futur. Mais surtout, Orelsan réactive son duo avec Gringe sur l'excellent "Casseurs Flowters Infinity", un des meilleurs morceaux de l'album, où les références à sa carrière se multiplient. Une parenthèse drôle et fougueuse assez rare dans un album plutôt sérieux, qui s'avère tiède dans sa globalité. Si quelques éclairs de génie traversent certains titres (un bon tiers), le rappeur s'égare au milieu d'une "Civilisation" quelque peu décousue et moins immédiate que "La fête est finie". A l'image du duo avec les Neptunes, le disque se rêvait côtoyer les étoiles mais garde fermement les pieds sur Terre. TB
Ça ressemble à un album trop attendu, quelque peu inégal A écouter : "La quête", le hit de l'album, "Manifeste" et "L'odeur de l'essence" et leurs textes très forts, "Casseurs Flowters Infinty", "Ensemble" A zapper : "Du propre", en décalage avec le reste, "Bébéboa", "Athéna"
Juliette Armanet | "Brûler le feu"
L'amour c'est comme une cigarette. « C'est la fin, ne me lâche pas la main ». Quatre ans et demi après l'excellent "Petite amie", Juliette Armanet nous saisit par le col en quelques secondes dès l'intro de "Brûler le feu", grâce au piano du génial "Le dernier jour du disco", qui démarre comme une ballade nostalgique avant que le rythme s'emballe soudainement, et que son refrain s'embrase. Et nous avec ! Un hymne fédérateur, idéal pour s'oublier sur le dancefloor tout en ayant le coeur serré. Comme Juliette Armanet nous avait manqués ! D'autant que cette mise en bouche haletante, qui fera à coup sûr sensation sur scène, prouve l'ambition de la chanteuse française : raviver la flamme du disco, genre qui revient en force depuis quelques années à travers les tubes de The Weeknd, Dua Lipa ou Clara Luciani, avec une ferveur et une liberté folles. Armée de sa voix aiguë et de son instrument fétiche, Juliette Armanet continue ensuite sa course aux tubes avec "Qu'importe" et le rutilant "Tu me play", la chanson la plus pop et radiophonique du projet dotée d'un refrain aussi régressif que ravageur. Empruntant à la fois à la variété 70/80's qu'au R&B des années 90, inspirée autant par Véronique Sanson qu'Ophélie Winter, l'artiste s'amuse avec malice à jouer avec le lexique du feu (allumette, briquet, fumée), pour nous conter ses sentiments et tourments amoureux, bien entourée de Yuksek ou SebastiAn. Sauf qu'après un démarrage en trombe, avec ces trois titres impeccables, l'album accuse une nette baisse de régime en laissant la place à un alignement longuet de ballades sentimentales, sympathiques mais souvent inégales à cause de refrains un peu fades ("Boum Boum Baby", "Je ne pense qu'à ça", "Brûler le feu"). Malgré la promesse d'un album tout feu tout flamme, le quart d'heure américain dure finalement ici plus d'une demi-heure. Une déception tant le talent de l'artiste est éclatant quand elle muscle ses refrains et se fait plus profonde sur les bijoux "Le rouge aux joues", "Sauver ma vie" ou "Imaginer l'amour", belle à pleurer. Malgré tout, ses mots malicieux, son interprétation habitée et son groove indéniable créent l'étincelle... et promettent des concerts survoltés ! JG
Ça ressemble à une (petite) fièvre disco A écouter : le tubesque "Tu me play", le sublime "Imaginer l'amour", "Le rouge aux joues", "Qu'importe", "Le dernier jour du disco", "L'épine" A zapper : "HB2U", délire manqué, "Je ne pense qu'à ça"