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samedi 25 septembre 2021 12:25

Eddy Mitchell en interview : "Johnny faisait partie de ma famille"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Eddy Mitchell est de retour avec "Un petit peu d'amour", sa chanson en hommage à Johnny Hallyday. En interview sur Pure Charts, le chanteur se confie sur son ami disparu, leur rencontre et leur amitié, les excès du rockeur, son absence au concert hommage et son prochain album.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Vous sortez votre nouvelle chanson "Un petit peu d'amour", dédiée à Johnny Hallyday. Comment est-elle née ?
Elle est née il y a plus de deux ans. Le Covid a fait que les musiciens américains que je voulais avoir en studio ne pouvaient pas venir etc. Donc on a attendu d'avoir les autorisations. Mais en attendant, nous on travaillait. C'est une chanson que j'aime énormément mais qui n'est pas primordiale dans l'album pour moi. Je veux dire, elle est importante mais elle n'a pas été le déclencheur de l'album. On a fait cette chanson Pierre Papadamandis et moi, et voilà on l'a enregistrée, mais on a du attendre avant de pouvoir le faire comme je vous l'expliquais.

Johnny était quelqu'un de très important pour moi
C'était important pour vous de parler de Johnny Hallyday ?
Oui, parce que je ne l'avais jamais fait d'abord... Johnny était quelqu'un de très important pour moi, dans ma vie. Je voulais lui rendre hommage, mais en lui reprochant plein de choses. (Rires)

Cette chanson est née dans la douleur, la nostalgie ?
Non, elle est née normalement, elle n'est pas née dans la nostalgie du tout. Elle est née du manque. "Pourquoi tu es parti et pourquoi tu as fait le con pour en arriver là ?"

Vous vous adressez à lui en lui disant qu'il a brûlé la vie par les deux bouts...
C'est exactement ça.

Vous ne lui aviez pas dit de vive voix ?
Si, je lui avais dit mais ça ne servait à rien. (Rires) Ça ne marchait pas... Johnny était un battant, il se croyait hyper fort, il pensait être un géant, il pensait passer au travers de toutes les choses. Malheureusement, ça lui est arrivé... Je me souviens d'anecdotes incroyables, où il me disait : "J'ai arrêté de boire". Je lui disais : "C'est formidable, tu as bien fait". On allait boire un dernier verre dans une boîte, et on se disait "Allez on se rentre". Je partais d'un côté et lui d'un autre. Mais il en fait il n'était jamais rentré ! (Rires) Quel menteur !

J'ai le regret qu'il ne soit plus là
Ces excès, vous ne les avez pas partagés avec lui ?
Si parfois, mais pas tout le temps. Et puis moi je me suis calmé, par la force des choses. Il y a des avertissements, des choses qui vous arrivent, des toubibs. J'ai été plus sage. Il y a aussi des lassitudes... Lui, il n'écoutait personne.

Vous vous étiez préparé à sa disparition ?
Non, pas du tout. A la fin des Vieilles Canailles, de la deuxième version, oui, on savait que c'était irrémédiable mais on espérait toujours.

Justement, j'y ai pensé en écoutant cette chanson, ça devait être difficile pour vous d'être à ses côtés lors de la tournée des Vieilles Canailles, alors qu'il se battait contre le cancer...
Oui mais en même temps, comme il était très fort et battant, il nous a baisés. (Rires) Désolé, ça ne s'appelle pas autrement. Je me souviens d'un soir, Jacques et moi on était affolé. Johnny vient nous voir en catimini, entre deux chansons, et nous dit : "Il faut que je sorte de scène, je ne me sens pas bien". Aïe ! On savait qu'il avait fait de la chimio dans l'après-midi quand même. La chimio c'est quelque chose de très grave et nauséabond pour le corps, on le sait bien. Nous, on ne savait plus où on était. Il revient et il enchaîne et ça se passe bien. Finalement, on s'aperçoit qu'il avait été - et je suis désolé de vous le dire - vomir, parce qu'il avait mangé six ou huit boudins créoles bien épicés. Ça venait de là. Donc, on a fait "Ouf !".

Ecoutez "Un petit peu d'amour" d'Eddy Mitchell :


Vous parliez de sa maladie avec lui ?
Oui mais lui en parlait très peu. Il disait : "Je vais l'avoir, je vais l'avoir".

Il était toujours en train de dire des bêtises
Vous chantez dans le titre qu'il est "trop tard pour regretter le passé". Est-ce que vous avez des regrets tout de même ?
J'ai le regret qu'il ne soit plus là d'abord, pour s'échanger des conneries, pour s'insulter, pour se dire bonjour, des choses de tous les jours. C'est en ça que je dis que c'est trop tard.

Vous étiez en contact pratiquement tous les jours, même s'il était à Los Angeles ?
Ah oui oui, bien sûr...

Vous vous souvenez de votre première rencontre avec Johnny ?
Oui enfin elle est connue...

C'est l'anecdote où il vous a volé des disques, c'est ça ?
Oui ! (Rires)

Et à quel moment, vous avez compris que vous alliez devenir amis, qu'il allait compter ?
Quand il m'a volé les disques, parce qu'il aimait les mêmes choses. (Rires) Je me suis dit : "Tiens, ce mec il a les mêmes goûts que moi !". On était rare à l'époque. Les gens qui aimaient Gene Vincent, Little Richard, Bill Haley...

Je lui disais souvent qu'il en faisait beaucoup
Vous dites dans la chanson que Johnny était "presque un sosie"...
On partageait beaucoup de choses. Par exemple, ça va vous faire marrer, on aimait toutes les choses épicées ! (Rires) Le Tabasco, tous les sauces, la harissa, on adorait.

Quand vous pensez à lui, qu'est-ce qui vous vient tout de suite à l'esprit ?
Sa connerie. (Il sourit) Il était toujours en train de dire des bêtises, des choses marrantes, il me faisait rire. Il a gardé cet humour jusqu'à la fin. Il était comme ça. Je pense à lui très souvent...

Line Renaud disait récemment qu'elle avait l'impression qu'il n'était pas parti...
Je n'ai pas cette impression quand même. Mais il me manque... C'était plus qu'un ami, un frère, quelqu'un sur qui on peut compter. Des amis, des connaissances, j'en ai plein dans le métier, mais lui il faisait partie de ma famille. Je suis le parrain de Laura, il était le parrain de ma fille... Il n'y a pas longtemps, on m'a envoyé une photo du lendemain de mon deuxième mariage, je suis au lit avec ma femme au petit matin, et lui il rentre et il fait : "Bonjour !". (Il éclate de rire) Il n'y a qu'un ami pour faire ça !

Vous chantez que Johnny Hallyday se prenait pour un "Demi Dieu". Vous aviez aussi cette image de lui ?
Ah oui oui. Il avait l'envie, qu'il a très bien chanté d'ailleurs, d'être le plus fort. Après, il y avait des fois où... On ne s'insultait pas mais je lui disais souvent qu'il en faisait beaucoup. Il allait très loin. Il faisait des trucs incroyables que je respecte, mais que moi je n'admirais pas. Je me souviens d'un spectacle. Il était admiratif du film "Mad Max" de Miller, où des tarés arrivent avec des bagnoles... Il avait fait ça sur scène et les musiciens avaient des haches. Je lui avais dit : "Non mais attends, on est où ? Tu es chanteur avant tout". Moi, j'étais horrifié ! (Il rit) Je trouvais ça de mauvais goût, ça n'avait rien à voir avec le chanteur. Mais il avait raison, ça a marché !

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Vous chantez "Découvrir que la trahison commence par l'amour, l'amitié". Que voulez-vous dire ?
Je parle simplement de la vérité. Pour être trahi, il faut avoir aimé, en amour ou en amitié. La trahison elle provient que de là. Lui aussi était un traitre parfois, mais pas forcément envers moi, je parle dans la vie en générale.

Je suis contre la statue à la con
Pourquoi vous n'étiez pas au concert hommage à Johnny, il y a quelques jours ?
Je n'avais rien y faire. Je ne fais pas les Restos du Coeur, donc je ne vois pas pourquoi j'irais faire ce genre de conneries. Je n'ai rien à voir avec ce genre de choses.

Mais cela aurait été beau de lui rendre hommage...
Non. Et je suis contre la statue à la con. Je trouve ça ridicule...

Pour vous, c'est similaire aux Restos du Coeur ?
Vous savez, à partir du moment où les gens paient et les artistes ne sont pas payés, c'est les Restos du Coeur pour moi. Voilà, c'est pour ça.

Oui mais les bénéfices vont être reversés à une association...
Mais bien sûr... (Il tapote sur sa joue)

Vous n'y croyez pas ?
Non.

La politique me révolte
Donc il n'était pas prévu que vous y participiez ?
Fort heureusement non. Mais il y a une anecdote plus drôle où un fan club a fait une statue merveilleuse de Johnny en Harley, ils l'ont commandé à un sculpteur allemand, sauf que le mec s'est gouré et il a fait Hugues Aufray. (Il éclate de rire) Donc ils demandent du pognon pour refaire la statue. C'est amusant ça !

Quoi qu'il en soit, votre nouveau single annonce l'arrivée d'un 39ème album. Vous ressentez quoi ?
Ça me parait beaucoup ! (Rires) Et encore, on ne compte pas ceux avec Les Chaussettes Noires. Je me dis qu'il faudrait peut-être recommencer... (Il sourit) Je ne suis pas lassé de la musique, du studio, des musiciens. Ce qui m'inspire, c'est les musiques, c'est de là dont tout part pour moi. Après, je fais des textes, et on essaie de mettre ça bout à bout, et on arrive au studio pour tout faire aboutir.

De quoi avez-vous envie de parler sur ce disque ?
Il y a deux-trois chansons qui sont féministes. J'ai une chanson sur cette femme qui s'est fait violer. Une aussi sur l'enfance. Ce sont des sujets qui m'interpellent.

Ce qu'il se passe dans notre société vous inspire visiblement. Qu'est-ce qui vous révolte aujourd'hui ?
La politique ! Je ne la suis pas vraiment mais je la subis. Il y a tellement de bringuebalants qui se présentent que ça fait rire. Il y a beaucoup de gens d'extrême droite, chose que je me refuse à écouter. C'est un boulevard pour Macron là, j'imagine. Avant je ne votais pas, mais ça remonte à une dizaine d'années. Ça ne m'intéressait absolument pas. Le jour où j'ai vu la recrudescence du Front National, je me suis dit : "Il faut que j'aille voter... contre". Donc je vote toujours contre. J'aimerais voter pour, mais pour qui ?

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