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Pour le jeune Stephen Witt, le piratage a d'abord débuté sur des cassettes audio sur lesquelles il enregistrait les tubes qui passaient à la radio, puis sur des chats internet où s'échangent des MP3 de qualité médiocre. Loin d'être aussi massif qu'aujourd'hui, le téléchargement illégal rassemble alors une petite communauté d'adolescents, «
Nous aimions le rap, les jeux vidéo, les blagues débiles. On samusait bien », raconte l'écrivain un brin nostalgique au site
Slate. L'arrivée de Napster en 1999, sera synonyme de révolution dans la piraterie en ligne.
« Personne ne se posait de questions »
Grâce à ce service permettant au gens d'échanger librement des fichiers musicaux, en toute insouciance voire inconscience, le partage se démocratise et devient sans limite. «
Tous les gens de mon âge partageaient de la musique, et personne ne se posait de questions » avoue Stephen. Deux ans après son lancement, Napster est condamné à fermer ses serveurs, nombreux sont ceux qui se tournent alors vers des logiciels peer to peer. Des logiciels comme Kazaa ou Limewire, connaissent le même sort que leur ancêtre, suites aux plaintes de l'industrie musicale. Mais impossible de décourager une communauté dont la croissance est exponentielle tout comme la qualité des fichiers proposés. Néanmoins trouver le bon logiciel devenait de plus en plus difficile. Deuxième tournant, l'arrivée du torrent et de sites tels que The Pirate Bay qui permettent à l'écrivain de ne plus seulement accumuler de la musique mais aussi des films, séries TV et même des livres. Les fondateurs de sites devront passer par la case prison. Stephen Witt en vient à se poser des questions : «
Nétais-je quun pion dans une immense escroquerie? Pouvais-je être poursuivi, moi aussi? »
Spotify va changer la donne
Pour se protéger, l'auteur de "How Music Got Free" se réfugie sur Usenet, ancêtre du forum internet moderne où s'échangent les fichiers piratés, en échange d'un abonnement mensuel de 15 dollars.
Certains pirates se dirigent eux vers des sites qui proposent des fichiers sans en héberger le contenu à l'image de Megaupload qui sera fermé en 2012, la même année que Usenet. Stephen retourne vers le torrent mais pas question de risquer de se faire prendre, il paie 20 dollars par mois une « seedbox » qui permet de garder son adresse IP secrète. La musique proposée n'était plus du vulgaire mp3 mais du FLAC, un nouveau format qui proposait une qualité comparable au CD, tandis que les films étaient disponibles en HD. En 2014, il met fin à sa carrière de pirate, trop coûteuse alors que s'abonner à de nouveaux services légaux comme Netflix ou Spotify devenait plus abordable. Le catalogue proposé et la facilité d'utilisation de Spotify sont une révélation. «
Pour la première fois, une entreprise légale proposait un produit supérieur à ce qui était disponible dans la clandestinité » révèle le pionnier du téléchargement illégal. Pour lui, continuer de pirater alors que le streaming est accessible reviendrait à «
gérer une radio amateur ». Ironie du sort, celui qui avait passé toute son adolescence à télécharger illégalement se retrouve aujourd'hui écrivain et dépendant du respect des droits d'auteurs.
Le streaming viendra-t-il à bout du téléchargement illégal?
Lorsque son livre sorti en avril 2015 se retrouve sur des sites de torrents, l'auteur ressent tout de même quelques «
frissons d'excitation » que ne partage pas son éditeur. Les différentes offres de musique en ligne gratuites ou payantes mettront-elles fin au téléchargement illégal ? Même si les revenus de l'industrie musicale évoluent grâce à
l'essor du streaming et des nouvelles plateformes comme
Tidal et
Apple Music voient le jour, pas sûr que cette bouteille à la mer arrive jusqu'aux pirates du téléchargement.