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La magazine
Marianne consacre une partie de son nouveau numéro au devenir de la musique dite «
contestataire », celle qui «
remuait les consciences » il y a 20 ans, et qui est aujourd'hui vivement critiquée. Pour tenter de trouver une réponse, le quotidien a interrogé Pascal Nègre, PDG de la plus grande major française : Universal Music.
"Benjamin Biolay s'en est pris plein la gueule"
Un entretien pendant lequel le dirigeant revient dans un premier temps sur le rôle des radios, qui n'encouragent pas les artistes à chanter des titres engagés selon lui. «
La radio cherche un maximum dauditeurs, elle veut en faire fuir le moins possible, alors si vous mettez des chansons engagées, ça leur fait peur » dit-il, rappelant que les radios ont quoi qu'il en soit toujours été assez frileuses. Pour lui, la presse n'encourage pas non plus. «
Quand Benjamin Biolay a fait sa chanson contre le FN, il sen est pris plein la gueule de la part des médias » se souvient-il.
La vraie réponse se trouve dans l'évolution du débat politique, trop lisse depuis quelques années. «
Nous on parlait politique en permanence. On s'insultait ! Et on se serrait la main en partant. On allait manifester contre Franco parce quil avait flingué trois petits basques
» rappelle Pascal Nègre, avant de citer l'exemple de la Fête de l'Humanité, qui serait devenue «
un festival pas cher » pour la nouvelle génération d'auditeurs, alors qu'elle était en premier lieu un rassemblement communiste. «
Jallais tous les ans à la Fête de lHuma parce quil y avait une programmation formidable, mais aussi parce quen même temps il y avait un débat politique : le communisme, on était pour, on était contre », a-t-il lâché à nos confrères.
"La musique est un baromètre, cest lart le plus proche de la rue"
La musique est donc un «
un baromètre » qui permet de prendre la température de la société. «
Sil se passe un truc dans la rue montée de lantisémitisme, position de la femme, etc. ça nous revient tout de suite dans les maquettes » affirme le dirigeant, tout en expliquant que nombre de talents émergents n'ont pas connu le monde divisé en deux blocs, capitaliste et communiste, qui obligeait à prendre position.
N'y-t-il donc plus d'artistes engagés ? Oui et non semble vouloir dire Pascal Nègre, qui ne trouve pas de meilleur exemple que celui de
Stromae pour défendre son argumentaire. D'après lui, dans les chansons du Belge, «
il ny a pas une vision de lutte mais il y a une vision de la société ». Il cite le titre
"Alors on danse" pour démontrer que «
certains jeunes créateurs considèrent que les carottes sont cuites », et que de fait «
leurs discours sont plutôt désabusés ». Un long plaidoyer dans lequel Pascal Nègre véhicule cette idée d'une société qu'on pourrait dire désenchantée, d'où sont tirés des textes comme ceux de Stromae. «
Aujourdhui, les artistes sont conscients mais désabusés. Le symbole de lartiste engagé aujourdhui cest Stromae. Il ne lest pas, tout en létant ».