Le télé-crochet a fait son retour par la grande-porte sur les petits écrans au début des années 2000 avec le format "Pop Idol", qui a donné naissance à notre "Nouvelle Star" et à "American Idol", qui fête cette année ces dix ans. Chez nous, c'est la "Star Academy" qui a dicté sa loi dès 2001, avant de s'essouffler et de fermer ses portes en 2008. Outre la simple usure des concepts, comment les télé-réalités musicales ont-elles évolué ? Comment les jurys internationaux ont-ils changé, comment les différents gagnants ont-ils changé la donne et modifié les attentes du public ? Point sur ce qui s'est passé chez nous mais aussi outre-Manche et outre-Atlantique.
Les premières années
Les concours de chant à la télé n'ont jamais été que des concours de chant. Ils ont toujours comporté une part de concours de popularité, plus importante dans certaines émissions qui incluaient une dimension télé-réalité, comme la "Star Academy". Si le casting de la première saison avait été sélectionné pour "Nouvelle Star", il y a fort à parier que Jean-Pascal n'aurait pas été jusqu'en demi-finale du concours de la Six. Mais malgré tout, outre cet aspect humain, c'est la voix et uniquement la voix qui prime pendant les premières années.
Les gagnants ont donc ce point commun : un univers inexistant ou en tout cas invisible lors de prestations très fidèles aux titres originaux.
Jenifer reprend "S'il suffisait d'aimer" de
Céline Dion ou "En Harley Davidson" de
Brigitte Bardot.
Jonatan Cerrada chante les Jackson 5,
Shakira et Michel Polnareff. Aux Etats-Unis,
Kelly Clarkson aussi chante
Céline Dion tandis qu'outre-Manche, Will Young, gagnant du tout premier "Pop Idol", chante les Bee Gees ou Jackie Wilson. Les chansons sont du bon, voire très bon karaoké, avec quelques libertés prises vocalement parlant mais des bandes orchestres banalissimes.
Steeve Estatof, gagnant trop tôt ?
Les choses changent petit à petit et ce sont les candidats qui sont à l'origine de ces évolutions. On n'en parle peut-être plus beaucoup mais
Steeve Estatof est le premier chez nous à vraiment proposer quelque chose de nouveau. Pour leur premier passage dans les sièges des jurés,
Marianne James et Manu Katché aident Dove Attia et André Manoukian à sélectionner ce genre chanteur rock qui est le premier à réinventer des classiques, comme "Le Sud" de Nino Ferrer. S'il remporte la finale, il est peut-être un peu trop en avance et l'année suivante, c'est retour au karaoké avec la victoire de Myriam Abel, tandis que la Star Ac récompense
Nolwenn Leroy en 2002 et Elodie Frégé cette année-là, deux chanteuses qui ont depuis dévoilé leur univers, bien éloigné de leurs prestations respectives.
Au Royaume-Uni, après deux ans de "Pop Idol", The X Factor débarque mais rien ne change avec la victoire de Steve Brookstein lors de la première saison en 2003 et de Shayne Ward l'année suivante. Et aux Etats-Unis, après Rubben Studdard en 2003, c'est Fantasia Barrino qui s'impose en 2004 avec, là encore, des prestations impressionnantes mais peu originales. La saison 4 d'"American Idol", marquée par la victoire de la désormais superstar de la country Carrie Underwood, fait doucement évoluer les choses avec le finaliste, Bo Bice.
Bien chanter, ça ne suffit plus
Mais les années passent, les téléspectateurs et les jurés se lassent et ils réclament plus. Bien chanter, ça ne suffit plus. Il faut pouvoir tout faire, même des titres complètement décalés comme
Christophe Willem qui se déchaîne sur "Ca plane pour moi" en 2006 sur M6 ou un an plus tard, Julien Doré qui revisite "Moi... Lolita" de fond en comble. Ces showmen changent la donne avec leur aisance mais aussi leur musicalité et leur audace à changer ce qu'on a déjà vu et entendu. La Star Ac, elle, s'accroche et reste un peu bloquée par son format qui propose aux stars de chanter en duo avec les élèves. Difficile de tout réinventer dans ce contexte et les derniers gagnants suivent tous le même chemin - d'où, peut-être, leur succès déclinant. On attend d'ailleurs toujours l'album de Mickels, gagnant de la saison 8.
"Nouvelle Star" poursuit sa mue, peut-être un peu bobo mais totalement dans la tendance. Sauf que, quand on n'a pas les candidats à la hauteur, à la musicalité suffisante, on peine à proposer au public ce qu'il attend désormais. Aux Etats-Unis aussi, les jurés se lassent et les choses changent lors de la saison 6 d'"American Idol" avec Blake Lewis et son beatbox mais surtout l'année suivante : David Cook, qui remportera la saison 7, pose sa marque rock sur tous les titres qu'il reprend - même "Always Be My Baby" de Mariah Carey, sous l'oeil admiratif de la diva. L'année suivante,
Adam Lambert enfonce le clou : voix incroyable, qualités de showman indéniable et capacité à réinventer des titres, il séduit le jury mais le public lui préfère le plus consensuel Kris Allen.
Pourquoi "X Factor" devient le meilleur format
L'arrivée du format "The X Factor" au Royaume-Uni précède la plupart de ces évolutions puisqu'elle date de 2003 mais le format n'a jamais été aussi actuel et indispensable. Car les téléspectateurs ne veulent plus de karaoké. Ils veulent du show, de la nouveauté, des reprises originales et jamais entendues. Et très peu de candidats sont capables de le proposer sans aide. Les jurés deviennent alors les coachs, proposent des arrangements originaux. Le "X Factor" anglais est paradoxalement en retard sur cette évolution, les remixes et autres réarrangements sont en fait très récents chez nos voisins anglais, les coaches n'ayant sans doute pas senti le vent tourner. Mais ils ont très vite rattrapé leur retard.
Les candidats anglais proposent désormais des reprises réinventées et des mash-ups, mélangeant plusieurs titres et proposant des titres incroyablement actuels, susceptibles de cartonner et de passer en radio. Aux Etats-Unis, alors qu'"American Idol" va devoir affronter "The X Factor", l'émission a elle aussi intégré un mentor, Jimmy Iovine, patron du plus grand label du monde, Interscope. Il amène chaque semaine les producteurs les plus en vue pour aider les candidats à proposer des prestations originales - même si le premier prime laissait sur sa faim.
Reste à voir si la France proposera un spectacle à la hauteur. Si les Français ont adhéré aux premières années de "Star Academy" et "Nouvelle Star", ils n'accepteraient plus ça aujourd'hui. Il faut du show, de l'original, de la créativité aussi bien musicale que scénique. La pression est forte sur Christophe Willem, Veronic Dicaire, Henry Padovani et Olivier Schultheis...