Novembre 1984, le 4 pour être précis, l'émission du classement des meilleures ventes de disques en France, intitulée le "Top 50", faisait irruption sur Canal+. Imaginé par Philippe Gildas, qui souhaitait savoir quels 45 tours étaient réellement plébiscités, ce hit-parade va voir se succéder tout ce qui a rythmé les années 80. Rencontre avec son présentateur mythique : Marc Toesca.
Cette année, le Top 50 a 25 ans. Vous avez présenté sur Canal+ lémission officielle jusquà lété 1991. Selon vous, quest-ce qui a fait le succès immédiat de lémission ? (Olivier PALUD, journaliste) Marc Toesca : Je pense que cest lié dabord au démarrage de Canal+, chaine nouvelle des gens nouveaux qui se sont intéressés à la télévision à ce moment là, et puis larrivée du vidéoclip. Cétait la première émission à diffuser du clip sans restriction dès linstant où les morceaux étaient classés dans le Top 50. Et puis je crois quil y avait aussi une grosse curiosité à lépoque par rapport à la musique. Donc pas mal dingrédients. Et pour reprendre une réponse dAlain De Greef, qui était le patron de Canal+ à lépoque, « et notamment grâce à lexcellent Marc Toesca ! » (rires).
Gardez-vous un souvenir particulier des premières émissions ?
Le premier n°1 du Top : cest très drôle parce quune nouvelle chaine, Canal+, créée par les créateurs des "Enfants du rock", sest retrouvée avec Peter & Sloane n°1 du Top pendant neuf semaines ! Ça faisait un peu drôle (sourire).
Et concernant les dernières émissions ?
Je trouvais à lépoque que la musique commençait à beaucoup changer, il y avait moins de folie, moins de liberté, les artistes commençaient à se ressembler les uns les autres, il y avait beaucoup de copies, de recopies. Et je trouve que quand on regarde le Top entre 1984 et 1991, il y a vraiment une énorme différence.
Redécouvrez le générique du Top 50, diffusé sur Canal+ :
Vous aviez dailleurs déclaré à lépoque songé à quitter la présentation du Top 50 lorsque Jordy avait atteint la première place des ventes de disques...
(Rires) Oui, Jordy n°1 du Top... On a eu des produits qui ont marché mais derrière, quand on regarde les premiers classements on se retrouve avec David Bowie, Scorpions, Tina Turner, Madonna, Prince, Téléphone... Il y avait une richesse quon ne trouvait plus à lépoque, il y avait Jordy n°1, et derrière il y avait pratiquement quarante-neuf Jordy ! Donc cétait beaucoup plus difficile, beaucoup plus délicat.
Aimez-vous revoir des images de vous à lépoque ?
Non pas du tout. Je naime pas sur linstant mais 25 ans après, jai beaucoup de tendresse avec ces chemises étranges à la télévision. Mais je ne suis pas devant mon écran à me dire : « quest-ce que jétais beau ! ».
Vous avez vu « naitre » un grand nombre dartistes, de Vanessa Paradis à Marc Lavoine, en passant par Florent Pagny, Patricia Kaas etc. Duquel êtes-vous le plus fier de la carrière quil ou elle a su mener ?
Je suis assez bluffé par le parcours de tous ces gens, mais dans ma tête je nai pas de classement précis. Je suis assez bluffé par des carrières comme Vanessa Paradis, Etienne Daho, Jean-Jacques Goldman quon met quand même à part, comme Francis Cabrel. Je suis assez fier aussi dObispo, de Zazie un peu plus tard, ou de De Palmas : ce sont des gens que jai croisés au tout début, que jai connus avec une frange, presque le cartable sur le dos.
Justement avez-vous conservé des liens avec certains artistes ?
Non, très peu. Je croise Goldman à Marseille, puisque je ne suis pas très loin, à Monaco. Je croise aussi Stéphanie de Monaco à Monaco justement (rires) ! Mais à part ça, non je nai pas gardé de liens particuliers avec les artistes, mais cest vrai que quand on se voit ça fait toujours plaisir de passer un moment ensemble. De 84 à 91, quelques soient les personnalités à part les escrocs, jai beaucoup de tendresse pour ces gens-là.
A lépoque, receviez-vous des lettres de pression de la part de fan d'artistes ?
De pression non, mais je recevais le courrier de gens qui corrigeaient certaines fautes éventuelles que je pouvais dire. Par exemple, si je disais que Madonna était restée 25 semaines au lieu de 26, je recevais le courrier de téléspectateurs qui me disaient « Non tu tes trompé ce nest pas 25 cest 26 ». Il y avait vraiment des experts, et il y en a toujours aujourdhui, qui pouvaient me dire le nombre de semaine exact et les classements précis de leurs artistes préférés. Mais pas du tout de pression.
Et aujourdhui, vous arrive-t-il toujours dêtre contacté par certains de ces fans du Top 50 ?
Oui, via les blogs ou les réseaux sociaux qui parlent des années 80. Je reçois régulièrement du courrier et puis surtout des photos, pleins de documents. Cest intéressant car je navais rien gardé ; je ne suis absolument pas archiviste ni dans la tête, ni dans lâme. Les gens que je croise me disent « vous êtes toute mon adolescence, mon enfance », dans leurs yeux il y a quelque chose. Je ne suis pas « lautre con de la télé », je suis vraiment un mec qui a marqué une période visiblement heureuse, en tout cas insouciante.
Vous avez présenté la semaine dernière sur France 2 lémission anniversaire du Top 50...
Oui, le directeur des programmes de France 2 est un grand fan de cette époque là, il fait partie des gens qui ont un peu grandi avec le Top 50, donc lui aussi a beaucoup de nostalgie et de tendresse par rapport à lépoque. Il mavait déjà contacté il y a deux ans pour faire une émission sur France 2 qui sappelait "Tubes & Tubes", que javais présentée avec Virginie Guilhaume, et à ce moment-là javais dis que non, la télé je n'en avais plus trop envie... Cest un peu lui qui ma dit « mais attends regarde les blogs, tu vas voir les gens ce quils pensent de toi, les gens taiment, cest idiot de refuser ça, tu peux pas refuser ce petit plaisir à des téléspectateurs » donc, il ma convaincu de le faire. Ça sétait hyper bien passé, alors là, quand il ma appelé pour les 25 ans du Top, cétait évident que je dise oui.
Cette émission vous a-t-elle donné envie de revenir à la télévision ?
Non... mais je suis très prudent parce que cest con de dire non ! Demain, sil y a un projet qui tombe, un truc sympa quon ne peut pas refuser, alors je vais être grillé (rires) ! Aujourdhui en tous cas, je nai pas de projets et ce nest pas une priorité. Mais cest vrai que participer à des émissions comme celle de lanniversaire du Top 50 , aller sur des plateaux, dire trois conneries, passer un bon moment et éventuellement retrouver des gens que jaime, oui, cest toujours plaisant. De là à monter une nouvelle émission, un programme ou un projet, non, je ne suis pas dedans.
Regardez-vous toujours chaque semaine le classement du Top 50 (sur Charts in France par exemple) ?
Oui, tout à fait, je regarde en diagonale.
Pensez-vous comme un grand nombre de professionnels quil faudrait regrouper le classement des ventes physiques et digitales ?
Oui, dabord je pense quil faut arrêter de crier sur tous les toits que les disques ne se vendent plus, que le CD cest fini ; on est en train de se tirer une balle dans le pied. De toutes façons, il restera des gens qui consommeront des CDs et qui iront chez Virgin ou à la FNAC acheter des disques, il ne faut pas décourager ces gens-là. Ensuite, cest vrai quil faut penser lindustrie différemment, et quil faut regrouper les téléchargements et les ventes physiques parce quen fait vous nachetez pas un produit, vous achetez une chanson, le titre dun artiste. Alors que vous le téléchargiez ou que vous lachetiez en physique, le résultat est le même. On ne classe pas un support, on classe un artiste ou une chanson.
Que devient Marc Toesca aujourdhui ?
Jai monté un label, Monte Carlo Records, basé à Monaco. Un label, ça veut dire quon fait de la production, quon fait de lédition, quon fait la promotion dartistes (notamment Yara Lapidus ou Nicolas Ghetti). Vous allez me dire « mais vous êtes complètement fou de faire ça dans cette période ! ». Et je vous répondrais que non, cest peut-être justement le moment de le faire, il faut tout réinventer. Réinventer aussi bien les radios, que lindustrie de la musique. Et comme je fais partie de cette génération hyper gâtée qui a créé les nouvelles radios, les nouvelles chaines de télé, et qui aujourdhui a la possibilité de monter un label et davoir des visibilités, aussi bien sur Internet que sur les médias traditionnels, cest peut-être le moment de le faire.
Merci Marc !
Merci à vous, et bon anniversaire au Top 50 !
Merci aussi à Thierry Cadet et Florian Carter.
Jusqu'au 8 novembre prochain, votez pour le titre qui vous a le plus marqué parmi notre sélection de 20 n°1 du Top 50 depuis 1984. Ils ont été choisis en fonction de leur nombre de semaines passés en tête du classement. Vous ne pouvez voter qu'une seule fois pour un titre parmi les 20 proposés (voir sur ce lien).