Bonjour Passi. Bisso Na Bisso revient dix ans après le premier opus. Pourquoi avez-vous mis autant d'années pour revenir ? (Nikolas Lenoir, journaliste) ?
Passi : Chacun dentre nous a travaillé sur ses albums respectifs. Cela fait deux ans que nous nous sommes vraiment lancés dans un nouveau projet pour le collectif. Ces deux années ont ainsi été mises à profit de ce deuxième album studio. Bisso Na Bisso a toujours été une belle aventure et nous voulons continuer à la vivre.
Comment le groupe a vécu le succès du premier album "Racines", vendu à plus de 200.000 exemplaires ?
Nous lavons très bien vécu car nous avions aussi bien la reconnaissance du public francophone que du public africain. Cela était notre objectif car nous avons dés le départ créé à partir de notre double-culture. Il y a une vraie vision. Nous souhaitions que notre travail véhicule des messages positifs et reflète musicalement nos influences culturelles.
En parlant de reconnaissance, Bisso Na Bisso a obtenu deux récompenses il y a dix ans lors des African Kora Music Awards (plus hautes distinctions musicales en Afrique) devant un public comportant entre autres Michael Jackson et Nelson Mandela. Quelle fut ta réaction ?
Il y avait aussi plus de 350 millions de téléspectateurs qui suivaient la cérémonie en direct. Notre musique a touché beaucoup de monde. Cétait un moment formidable. Nous avons grandi en Europe et le fait dêtre reconnus en Afrique également avait pour nous une signification particulière. Cela nous montrait que nous étions sur la bonne voie, celle du partage et de la compréhension entre ces deux continents.
Quels sont les messages portés par cet opus ?
Nous essayons de souligner cette idée des États-Unis dAfrique. Nous pensons que lunité est une solution pour que les peuples africains aient un avenir meilleur. Les pays africains doivent véritablement sunir. En ayant la participation dartistes tels que Christophe Maé par exemple, nous voulons aussi montrer que toutes ces origines, ces influences peuvent plus que jamais travailler main dans la main pour faire de bonnes choses et préparer un avenir plus serein.
En parlant dunité, la chanson "We are Africa" est-elle ainsi un hymne destiné à lencourager ?
Tout à fait. Nous sommes sur cette chanson plus de vingt artistes issus de pays très différents du continent africain. Il y a tous les membres du Bisso Na Bisso mais aussi Ismael Lo, Jacob Desvarieux, Angélique Kidjo, Manu Dibango et encore beaucoup dautres. Cest en quelque sorte notre "We are the world" et nous voulions faire ce titre depuis longtemps. Je suis ambassadeur de lONU et cela me tient très à cur. "We are Africa" est également une association qui gère entre autres un orphelinat à Brazzaville. Les bénéfices de la chanson y seront dailleurs consacrés.
"Bisso Na Bisso" signifie "Entre nous". Cela reflète plus le travail collectif de Bisso Na Bisso ou la volonté dunir les peuples ?
Il sagit des deux car nous mélangeons beaucoup dinfluences musicales et nous travaillons aussi pour lunion des peuples. Bisso Na Bisso un carrefour culturel. Cela veut à la fois refléter lidée de faire quelque chose ensemble mais aussi tous ensemble. Au niveau de lalbum, cela montre bien que nous faisons un lien entre différents artistes, différents groupes, différentes musiques
Nous avons ainsi la volonté de mélanger le français avec le congolais par exemple et au niveau des arrangements, nous voulons également inventer des choses. "Africa" parle de ces liens positifs avec lesquels il faut avancer. Il ny a aucune forme dexclusion mais au contraire la mise en place de liens positifs avec lextérieur. Il faut avancer les uns avec les autres et non pas les uns contre les autres.
Comment sest fait le choix des invités présents sur lalbum ?
Cest très varié en fait. Manu Dibango est un des pères de la musique africaine. Je le connais depuis un bon moment et nous lavons notamment rencontré sur un festival. Un groupe comme Espoir 2000 fait partie de la nouvelle mouvance. Ils sont la jeunesse du coupé-décalé. Ils sont connus depuis un bon moment en Côte dIvoire notamment et nous sommes très heureux de lavoir sur lopus. Ces rencontres et ces participations permettent de donner des couleurs très variées à lalbum.
Lalbum comprend également "Pas de différence", titre avec Christophe Maé. Le fait quil soit le chanteur francophone ayant le plus vendu en 2008 a t-il un peu déterminé ce choix ?
Cela montre bien que nous revendiquons notre double-culture. Il est vrai que nous navions pas invité dartiste français populaire sur le premier album mais nous avons toujours montré notre attachement à la France. Nous vivons ici et nous avons une double-culture. Jai croisé Christophe Maé plusieurs fois et sa musique est aussi très ensoleillée. Cela fait de plus un bon moment que nous voulions faire un titre ensemble. Il aurait certainement moins accroché à un morceau rap quà un titre pour Bisso Na Bisso. Nous avons trouvé un bon concept sur cette chanson "Pas de différence". Nous savons quil existe des différences mais au final, nous sommes tous des êtres humains donc nous navons pas de réelles différences. Nous navons vraiment pas besoin de nous créer des obstacles.
Sur un tel projet, le challenge est-il plutôt daccorder plusieurs personnalités ou de donner une certaine cohérence musicale à lalbum ?
Le challenge est surtout de réussir à se servir de cette double-culture. Jai commencé à me faire connaître avec de la musique urbaine mais à la maison, nous écoutions aussi bien de la musique africaine quÉdith Piaf et Georges Brassens. Le Congo était une colonie française donc dés ma naissance, jécoutais du Johnny à la radio. Mes frères et surs écoutaient de la soul américaine. Je suis aussi nourri de toutes ces cultures musicales. Nous voulions que lalbum reflète lAfrique mais aussi ces influences. Cet album est un tiers de feu, un tiers de fun et un tiers dexpérimentation. Nous avions besoin de réactualiser le Bisso donc nous avons fait des choses qui ne se faisaient pas ailleurs. Il faut surprendre et ne pas se limiter à ce que les gens attendent de nous.
Le premier single de lalbum "Show ce soir" est bien parti pour être lun des tubes de lété. Comment peux-tu le définir ?
Cest une carte de visite du projet mais il y a surtout un album derrière. Nous avons choisi "Show ce soir" comme premier single car il signifie que le Bisso Na Bisso se prépare et va de nouveau vers le public. Cest un morceau fun avec ce côté convivial que nous avons dans le collectif. Je pense que cest une bonne introduction à lalbum. Nous avons fait deux sessions denregistrement pour lalbum. "Show ce soir" et "Électrochoc" font partie de la deuxième session qui a une couleur plus fun que la première. Il était important davoir cette couleur là également.
Retrouvez le clip de Bisso Na Bisso, "Show ce soir" :
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Le clip de "Show ce soir" a été tourné à Dakar. Quel est ton regard sur la façon dont des personnalités françaises de droite comme de gauche se sont exprimées à Dakar ?
Cela souligne quil y a un vrai malaise. Il y a des choses à dire sur le passé et des abcès à percer. Je pense que la communauté africaine le ressent ainsi. Je nai pas été fan du premier discours mais pas plus du deuxième. Il est bien de dire des choses mais il fallait les dire au bon moment. Il est dommage que Sarkozy ne reconnaisse pas dans ses discours limportance du rôle tenu par lAfrique dans le développement mondial. Il y a une forme dhypocrisie et le fait de le reconnaître maintenant pour gagner des points en témoigne. Dans les discours des deux personnalités de gauche et de droite qui se sont exprimées à Dakar, je ne trouve pas de satisfaction. Je reproche à la politique de manquer damour, de "Je vous aime". Il y un vrai manque de considération et de reconnaissance. La France est un superbe pays et il ne faut pas quelle laisse ses enfants de côté.
Comme tu le disais, tu es ambassadeur de lONU. Considères-tu quavec les défis écologiques et économiques, le déséquilibre Nord/Sud est une des urgences de notre siècle ?
Je pense en effet quil y a énormément de choses à régler entre le Nord et le Sud. LEurope a besoin de lAfrique et inversement. Il faut bien plus penser à celles et ceux qui forment ces peuples africains quà ceux qui les dirigent. Il faut équilibrer les échanges pour quils puissent avoir des vies plus justes. Jai la double culture et je pense voir ce qui peut se faire de chaque côté car jai les deux visions. Certains pays comme le Cameroun ont développé une véritable autosuffisance alimentaire. Il reste beaucoup de problèmes mais les gens ny meurent plus de faim. Dans dautres pays, les choses sont bien plus difficiles. Il est choquant que des enfants meurent de faim dans des champs sous lesquels se trouve du pétrole. Il faut penser aux populations bien plus quaux intérêts financiers.
Parlons de tes projets solos. Bien avant le fait de collaborer avec Christophe Maé pour Bisso Na Bisso, tu as travaillé avec Calogero sur le duo "Face à la mer". Envisages-tu dautres collaborations avec des artistes issus dautres styles musicaux ?
Jaime beaucoup les collaborations. En travaillant avec
Calogero par exemple, cétait la volonté de faire un titre ensemble et de montrer que nos deux styles musicaux pouvaient se retrouver dans une même chanson. Jenvisage en effet de nouvelles collaborations. Certaines choses sont prévues mais ne sont pas encore concrétisées donc je préfère ne pas trop en parler.
Tu as participé au jury dune édition de la Star Academy. En étant juré sur le même banc quYvan Cassar, tu as là aussi représenté la musique urbaine là où elle nétait pas forcément. Quel regard portes-tu sur cette expérience ?
Je pense quil faut ouvrir certaines voies et cela peut être critiqué. Je me suis toujours attaché à ne pas trop écouter certains propos qui peuvent me limiter dans laction. Le fait davoir été juré à la Star Academy a permis en effet à la musique urbaine dêtre plus représentée à la télévision. Sur les chaînes américaines et je pense notamment à MTV, le rap, le hip hop sont très représentés et les choses sont plus difficiles en Europe. TF1 et Endemol ont ainsi fait part dune certaine ouverture et ils ont dailleurs été corrects à mon égard. La musique urbaine, le rap ont parfois une image négative et il est important de montrer quil y a des jeunes qui créent. Les artistes de ces courants musicaux méritent au même titre que les autres le fait de pouvoir accéder aux médias et au public. La musique urbaine doit également être prise au sérieux et considérée par les programmateurs.
Outre Bisso Na Bisso, quels sont tes projets ?
Je produis des artistes avec mon label Issap Productions et je vais aussi commencer à travailler sur mon prochain album solo prévu pour le début de lannée prochaine. Nous allons dici là faire la tournée pour Bisso Na Bisso en France mais aussi en Afrique.
Quel message aimerais-tu transmettre au public et aux internautes ?
Ne laissez personne se faire un avis pour vous. Nous sommes très fiers de cet album. Venez lécouter et faites votre propre opinion.
Merci Passi pour cette interview.
Merci à toi.