Crédits photo : Lionel Urman / Bestimage
Quand reprendront les concerts à grande échelle ? La question inquiète de plus en plus une industrie du spectacle mise à l'arrêt quasi-total depuis début mars. Si la rentrée aurait dû être synonyme de reprise des concerts, la crainte d'une seconde vague contraint la plupart des artistes à repousser une nouvelle fois leurs tournées. Si certains, à l'instar de
Thomas Dutronc ou Benjamin Biolay, s'apprêtent à jouer
deux concerts par soir dans certaines salles, et que Suzane ou Pomme doivent assurer leurs shows dans de petites salles avec distanciation, la plupart des artistes, comme Patrick Bruel,
Jean-Louis Aubert ou Christophe Maé ont préféré décaler
leurs dates à 2021. Quand il ne s'agit pas de
les annuler tout simplement, comme ce fût le cas avec les tournées de -M- et M. Pokora. Mais les concerts pourront-ils effectivement reprendre début 2021 ? Là encore, le flou est total. Par exemple, la tournée de
Patricia Kaas prévue à partir de janvier prochain vient d'être repoussée à 2022 par mesure de précaution. Et la situation est également très risquée pour les festivals.
"Je crains le pire"
Interrogé par
le Figaro, Ben Barbaud, le patron du Hellfest dit souffrir «
d'un manque de visibilité totale » quant à la possible reprise des festivals en 2021. «
Je garde espoir, mais je crains le pire. Je déciderai début janvier si nous pouvons prendre le risque de nous lancer en production. Vous verrez cela sera pareil pour les tournées internationales de stars comme Elton John et Céline Dion. Ils déplacent des équipes tellement importantes et les enjeux financiers sont tels qu'eux aussi ont besoin d'un minimum de six mois de visibilité » explique-t-il, avant d'ajouter que les artistes sont eux aussi dans l'expectative : «
Les Américains sont sceptiques et inquiets. Ils sont obligés d'y croire, ils n'ont pas le choix car ils touchent leurs plus gros cachets avec les tournées d'été dans les festivals ».
Ayant une pensée pour les métiers techniques particulièrement impactés, Ben Barbaud assure n'avoir encore rien touché suite aux annonces gouvernementales et au plan d'aide, à cause de «
la lourdeur administrative ». Le directeur du Hellfest explique également que le domaine du spectacle «
est autrement plus touché que celui de la restauration » qui fait actuellement beaucoup parler : «
On nous considère comme des saltimbanques mais nous sommes des employeurs qui rapportent des dizaines de millions d'euros sur nos territoires. Nos concerts où se produisent des stars internationales mettent des mois à s'organiser. Un restaurateur peut rouvrir et tout de suite avoir des clients et donc gagner de l'argent. Nous, il faut des mois de préparation avant de pouvoir lancer une billetterie ».
"Un retour à la normale en 2022, voire 2023"
«
L'inquiétude, c'est aujourd'hui 2021 » estime Maryline Lair, directrice du collectif des festivals qui réunit une trentaine d'événements bretons, pour
Ouest-France. Selon elle, «
les jauges réduites [sont] parties pour durer » et les concerts debout ne pourront pas reprendre avant, au moins, avril 2021 : «
On parle d'un retour à la normale en 2022, voire 2023, est-ce que tout le monde va garder la même énergie ? On a une responsabilité dans l'accompagnement
».
Un flou qui énerve les équipes mais également les chanteurs, censés se produire sur scène à l'heure actuelle. Si Clara Luciani ou
M. Pokora ont
multiplié les coups de gueule contre le gouvernement, Christophe Maé assure en
interview sur Pure Charts qu'il est «
vital » que les concerts reprennent : «
Je suis dans la lumière mais sur une tournée comme ça, il y a 50-60 personnes qui bossent. Les chauffeurs de bus, le catering, les techniciens... Il y a énormément du monde. Et pour la plupart, ils sont intermittents du spectacle, là ils sont chez eux et ils n'attendent que ça de travailler, de reprendre la route. Ils n'arrivent pas à assumer leurs fins de mois ». Sur les ondes de
France Inter, Vianney a aussi eu une pensée pour le secteur en pause : «
J'ai entendu plusieurs discours qui disaient "pour les artistes, c'est facile, ce sont les techniciens qui sont dans la merde". Il ne faut pas dissocier les choses. Il y a 10 artistes pour qui c'est facile et j'en fais partie, il faut reconnaître ça, en revanche pour tous les autres qui vivent du spectacle, tout ce groupe-là est en péril »
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Même son de cloche à l'étranger. Michael Eavis, le fondateur de Glastonbury, explique que le mythique festival pourrait ne pas revenir avant 2022 : «
500 personnes, c'est ok. Mais mon métier, à savoir 250.000 personnes rassemblées, c'est trop de monde je suppose. J'espère toujours que l'on pourra le faire l'année prochaine et je vais remuer ciel et terre pour être sûr que nous le ferons. Mais ça ne veut pas nécessairement dire que ça aura lieu ». Ce long retour à la normale est aussi redouté par Marc Geiger, co-fondateur de Lollapalooza. «
Il faudra attendre que l'agoraphobie créée par le virus soit lentement tuée pour être remplacée par la claustrophobie. C'est à ce moment-là que les gens veulent sortir et aller dîner et avoir leur vie, aller à des festivals et des spectacles (...) Cela va prendre un certain temps » explique-t-il, assurant que, pour les salles, «
les six prochains mois pourraient être plus douloureux que les six mois précédents, et peut-être que les six mois suivants le seront encore plus ».