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mardi 26 février 2013 0:00

We Were Evergreen : "Il faut gérer le groupe comme une marque"

C'est à l'hôtel Jules et Jim, dans le troisième arrondissement de Paris, que Pure Charts a retrouvé We Were Evergreen, alias Michael, William et Fabienne. Le groupe a proposé deux titres en acoustique, son nouveau single "Leeway" et une reprise de "Hippy Hippy Shake" de Big Soul, avant de se livrer au jeu des questions/réponses pour se présenter, évoquer ses premiers pas, sa musique, son EP "Leeway" sorti le 25 février... et sa conquête du monde ! Entretien.
Propos recueillis par Charles Decant.

Pure Charts : Commençons par le début : comment vous êtes-vous rencontrés et comment le groupe s'est-il formé ? Il paraît qu'il y a une histoire de bonne résolution après un Nouvel An derrière tout ça... !
Michael : Oui, c'est vrai ! En fait, au Nouvel An 2008, je m'étais dit que j'allais prendre comme bonne résolution de montrer mes chansons à des gens, pour ne pas en avoir honte. A ce moment-là, j'étais avec Fabienne en prépa, en lettres, et on faisait du théâtre ensemble. Et je lui ai juste montré les chansons que je faisais, Fabienne a écouté, a dit que ce serait cool qu'on fasse de la musique ensemble. Elle faisait du piano, moi de la guitare, j'ai dit "Pourquoi pas" ! On a commencé comme ça à faire deux ou trois répèt', puis ont s'est dit "Tiens, faisons un concert !" et on en a trouvé un dans un pub irlandais du 2ème. Du coup, on s'est dit que ce serait bien d'avoir des rythmes aussi, pas juste un clavier. Donc on a demandé à William, que Fabienne connaissait du conservatoire, de faire les percussions pour nous. Il a dit oui pour le premier concert...

... Seulement pour le premier concert !
Michael : Oui voilà ! Mais de fil en aiguille, de mois en mois, William nous a rejoints, le groupe s'est formé vraiment comme un trio, on s'est appelé We Were Evergreen et le trio est né.

Et ce nom, justement, c'est quelque chose qui évoque la nostalgie, c'est ça ?
Michael : Oui, evergreen ça veut dire conifère, donc toujours vert. Par extension, toujours jeune... On aime l'idée que dans la phrase, il y ait quelque chose de paradoxal : "Nous étions", c'est du passé, et "Evergreen" qui ne change pas, donc il y a quelque chose de conflictuel entre passé et présent. Toujours entre les deux, entre la mémoire et l'oubli.

On a passé une nuit à avoir de très mauvaises idées de noms de groupe !
Et avant de trouver ce nom, We Were Evergreen, combien d'idées de noms pas forcément géniales vous avez trouvées ?
Michael : A l'origine, on s'appelait Evergreen, quand il n'y avait que Fabienne et moi. Et on s'est rendu compte qu'il y avait pas mal de groupes qui s'appelaient Evergreen. Donc on a cherché quelque chose d'autre, d'autant qu'on était trois à ce moment-là, donc on a voulu marquer l'idée du trio.
Fabienne : Visuellement, on aimait bien aussi, avec les W, les E...
William : Il n'y a que des E en voyelles. On a cherché là aussi.
Fabienne : On a passé une nuit à avoir de très mauvaises idées et puis on a trouvé ça !

Quel genre de mauvaises idées ?
Fabienne : (Rires)
William : On ne le dit pas, justement !
Fabienne : N Family, Evergreen Family... Mais ça, après, c'était presque de la blague.

La musique pour vous trois n'était pas forcément une évidence, c'est ça. A part pour William.
William : Oui, voilà, moi c'était évident.
Fabienne : Moi j'ai commencé aussi toute petite. Mais professionnellement, je me suis longtemps voilé la face ! (Rires) Donc je suis parti dans d'autres directions avant. Mais ça a toujours fait partie de ma vie.

Et y a-t-il un moment où vous vous êtes dit que, être artiste aujourd'hui, ce n'était pas forcément la voie la plus simple à suivre ?
Fabienne : Même si ce n'est pas simple, c'est hyper satisfaisant ! Si c'est ce qu'on a envie de faire, même si financièrement, forcément, c'est compliqué, j'étais ravie justement que le groupe me pousse à faire ce choix. Au final, le développement a fait qu'on avait envie de s'y consacrer de plus en plus et qu'on pouvait le faire parce qu'on avait des concerts, des choses comme ça... Du coup, c'était un plaisir.
William : Je me mets à la place d'autres groupes qui galèrent...
Fabienne : On galère aussi ! (Rires)
William : Quand le groupe s'est créé, on ne s'est jamais posé de questions, on allait dans des bars, on déposait des maquettes, le public grossissait, réagissait bien. On a galéré, oui, mais au tout départ, on a joué quasiment toutes les semaines dans Paris.
Fabienne : Oui, c'est vrai. Et les gens revenaient, c'était sympathique.
William : C'était plus facile de se dire "Pourquoi pas faire ce métier ?".

Très vite, on est allé à l'étranger et même aux Etats-Unis
Après ces concerts parisiens, vous avez relativement rapidement commencé à vous produire à l'étranger et aujourd'hui on a l'impression que vous êtes aussi connu en dehors des frontières françaises que chez nous, voire plus... ! Comment ça s'est fait ? Comment vous avez décroché ces concerts à l'étranger ?
Fabienne : On a participé à une série de concerts acoustiques en appartement. On a fait celui de Paris et ils nous ont invités à celui de Londres. Et là, on a rencontré dans le public une fille qui est maintenant notre manageuse, qui nous a fait revenir plein de fois en Angleterre. Et donc, du coup, on y a déménagé il y a un an et demi. Les Anglais ont une vision plus européenne, ils n'ont pas peur même d'aller aux Etats-Unis assez tôt, avant même qu'on ait un album, même si ça peut sembler prématuré. Donc on a pu planter des choses. On est allé en Italie, en Suisse, en Hollande, en Allemagne... Et aux Etats-Unis.
William : On a eu cette chance oui, de rencontrer cette nana. C'était aussi une bonne excuse pour voyager !

Tous ces voyages, ça a aussi été facilité par le fait que vous chantiez en anglais. C'était une évidence dès que vous vous êtes mis à travailler ensemble ?
Michael : En fait, ce n'était pas forcément réfléchi. C'était plus une suite d'influences et du fait que, je pense que c'était plus facile, ou plus ludique en tout cas, de chanter en anglais à un moment il semblait que la langue française était un peu sclérosée. Elle ne l'est pas, en vrai, mais je me suis dit qu'il y avait plus de choses à faire avec la langue anglaise parce que c'est une langue plus flexible. Après, je pense que c'est plus dur de réussir à bien écrire en français. Mais notre choix s'est fait assez vite et ça a fait partie de notre identité...

L'anglais permet de briser les frontières, c'est sûr
Et c'est définitif ?
Michael : On ne sait pas. On connaît la situation actuelle en France, les quotas dans les radios, etc. Mais c'est pas plus mal qu'on soit parti en Angleterre pour ça, on a un public qui est plus réceptif aux paroles donc il y a une autre approche du texte. Du coup, ça devient intéressant. Finalement, c'est une sorte de rêver de briser les frontières et d'aller ailleurs. Et l'anglais le permet, c'est sûr.

En étant très pragmatique, c'est peut-être plus bénéfique de fonctionner partout ailleurs que juste en France...
Fabienne : C'est peut-être aussi un peu plus excitant.

Et c'est plus classe aussi de dire qu'on a un succès international !
Michael : Peut-être ici, oui ! Mais on veut continuer à jouer en France !
William : L'Angleterre nous a ouvert les portes du monde... C'est un fait.

Quand on écoute votre musique, l'atmosphère globale est assez rétro mais vous glissez quand même des touches assez modernes finalement dans les instruments. Comment s'est construite cette identité sonore ?
William : On a dérivé lentement de la folk à l'électro, puis on est revenu à de la pop, et on s'est dit que la pop, c'était tellement large qu'on était bien dedans. Parce qu'on pouvait y intégrer de la musique world, du jazz, du rock, un peu de ce qu'on veut, quand on veut, tout en restant pop.
Fabienne : Et en mêlant différents types de sons. Des éléments un peu acoustiques de choses électroniques, plus modernes. Essayer différentes combinaisons, toujours dans un esprit de mélange.

Notre limite musicale, c'est qu'on reste trois
Il y a des choses interdites ?
William : Bizarrement, je m'étais interdit la guitare électrique saturée, comme pour le rock, mais finalement, on commence à s'en servir subtilement de temps en temps.
Fabienne : Notre limite, c'est qu'on soit trois. On ne veut pas avoir de musicien additionnel. Pour l'instant. On peut avoir des guests, mais le groupe principal doit toujours être à trois. Ca limite un peu les choses, mais c'est aussi l'occasion de se dépasser.
Michael : Et on s'impose aussi ces instruments. Moi, par exemple, ce sont des instruments organiques ou associés à la folk, comme le charango, la trompette. Fabienne a le xylophone, des claviers, William a des percussions, la basse et la guitare électrique. C'est avec ces éléments qu'on essaie de faire prendre vie à nos chansons. En s'imposant ce mélange-là.

Il y a pas mal de petits bruits, de petites choses discrètes que vous glissez ici ou là dans vos titres. Comment vous en arrivez là ? Est-ce que vous la chanson au départ, assez nue et simple, et que vous cherchez à l'enrichir ? C'est une question de recherche sonore ? C'est pour donner de l'identité aux morceaux ?
Fabienne : Ca nous sert de repoussoir, on n'a pas envie de ressembler à un modèle pop ou folk, ce qu'on respecte chez d'autres artistes mais qui n'est pas ce qu'on recherche. Je pense que c'est aussi une notion d'amusement, de trouver de nouvelles choses. C'est l'interaction de nous trois sur la chanson qui va faire aussi ce qu'on va trouver.
William : Ca vient un peu du cinéma aussi, en quelque sorte, en termes d'ambiance. Pour donner une couleur à une guitare, si on la double d'un autre instrument, ou une bouteille qui traîne par terre, on donne une couleur à quelque chose qui existe déjà.

Vous arrivez avec le soutien de SFR, qui vous accompagne toute cette année, et avant ça il y a eu plusieurs types de concerts, tremplins pour des jeunes talents... Ca fait partie de la vie d'un jeune groupe ?
Fabienne : Je pense qu'il y a différents parcours mais nous, ça a nous a énormément motivés parce qu'on a eu accès à des belles scènes grâce à ces tremplins. C'est un cadre qui permet professionnellement de bien structurer le projet. C'est vrai qu'en France, il y a énormément d'aides, de tremplins, etc...
Michael : Pas forcément financier mais déjà en termes d'accompagnement. Il y en a beaucoup plus qu'en Angleterre et ça c'est une chance.
Fabienne : En même temps, en Angleterre, il y a des groupes qui s'en sortent très bien sans ce type de soutien. Il y a plusieurs types de développement, je pense qu'il ne faut pas être dépendant non plus de ça... Ca peut être un poil infantilisant parfois, il faut savoir se lancer. Mais on a fait des encadrements géniaux dans le passé.

Un groupe comme One Direction, c'est un dévelop-pement de groupe normal, poussé à l'extrême
Il y a effectivement d'autres modes de maturation pour des groupes, il y en a qui arrivent déjà tout packagés et prêts à être vendus... Quel regard vous portez sur des groupes de ce genre, comme One Direction qui en est un exemple parfait ?
Fabienne : C'est un peu ce qu'on demande à tous les groupes de faire, mais poussé à l'extrême en fait. On demande à tous les groupes de travailler leur image, par exemple. Même si c'est un plaisir aussi.
Michael : Tout doit être facilement digérable.
Fabienne : Au final, c'est ça. C'est une recherche poussée à l'extrême mais sans le vécu, l'expérience auprès des gens. Nous, ça fait longtemps qu'on joue, et c'est un plaisir de voir qu'on a construit quelque chose. Après, souvent dans ces groupes-là, il y a aussi des gens qui ont roulé leur bosse. Encore une fois, j'imagine qu'il y a énormément de parcours différents.
William : C'est un peu comme si tu rentrais dans une boîte par la grande porte directement. Mais ce qui se passe quand on regarde des groupes comme ça, c'est que ça ne dure pas. Tout ça est éphémère. Alors que nous, ça fait presque cinq ans qu'on joue ensemble, qu'on trimbale nous-mêmes nos instruments... On a galéré mais aujourd'hui, quand on se retrouve sur une scène, on est à l'aise. Il faut le dire. Mais quand on te donne tout sur un plateau... Ca peut être génial, mais sur le long terme, ça se travaille.
Fabienne : Je trouve que ça fait partie de la beauté du truc de regarder en arrière et de voir où on était il y a un an, deux ans, trois ans. Des chansons qu'on jouait au début, qu'on a réarrangées... C'est assez émouvant de jouer les mêmes choses devant un public qui s'agrandit.

Vous disiez que ce type d'artistes subissait le même développement que vous, mais poussé à l'extrême. On vous a déjà demandé des choses de ce type ? De travailler sur l'image ? De vous rendre plus accessible ?
Michael : On nous a beaucoup dit de chanter en français, comme je pense à tous les groupes qui chantent en anglais en France, qui se sont vus refuser l'accès au radio à cause de ça. Je pense que les gens avec qui ils travaillent leur ont dit que s'ils chantaient en français, ce serait différent. Il y en a qui le font, qui se plient au jeu, et si ça se trouve ils aiment ça. Nous, le fait d'aller en Angleterre, on passe par un autre chemin et on ne voudrait pas changer notre identité juste pour un label.
Fabienne : Après, visuellement, on nous a dit qu'il fallait avoir une esthétique assez reconnaissable. Mais travailler l'image qui va avec la musique, ça a toujours été quelque chose qui nous a beaucoup plu. D'ailleurs, on a rencontré il y a cinq ans un graphiste, quand on a laissé le groupe. Ca a très bien accroché et on travaille toujours avec lui, c'est lui qui fait la pochette de l'EP, qui va faire celle de l'album. C'est super intéressant de travailler là-dessus.
William : Aujourd'hui, l'industrie étant ce qu'elle est, on est amené à faire beaucoup plus de choses que ce qu'on aurait fait, j'imagine, il y a dix ans. Du coup, on doit penser le groupe comme une entité...

Comme une marque aussi...
William : Tout à fait. Le groupe c'est un logo, c'est une page Facebook, un Twitter... C'est des trucs qui paraissent assez superficiels mais qui font partie aujourd'hui du métier.
Fabienne : D'un certain côté, c'est aussi un peu plus simple pour nous aujourd'hui. On a commencé un peu au début de Facebook, du coup, c'était génial pour les concerts. Ca faisait de la comm hyper simplement, du bouche-à-oreille virtuel...

Après l'EP "Leeway" qui est sorti hier, la prochaine étape, c'est l'album ?
William : On a commencé l'enregistrement de l'album à Londres, oui. On finit d'enregistrer d'ici juin, a priori, ce qui nous permet de faire la tournée des festivals cet été et en automne, on se met en marche pour sortir l'album !

Crédits photo : Emilie Bailey

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