RidanVariete Francaise » Variété française
lundi 02 mars 2009 0:00
Ridan en interview
Cinq années bien remplies se sont écoulées depuis « Le rêve ou la vie ». La voix de Ridan, malgré sa douceur apparente, est à lévidence de celles qui portent haut et loin dans la chanson daujourdhui. Ce troisième album montre toute létendue de sa géographie musicale, qui laisse apparaître sur des reliefs inédits de nouveaux musiciens parmi les plus (af)fûtés de lhexagonne... Rencontre.
Bonjour Ridan. Si je comprends bien, avec la sortie de ce troisième album intitulé « L'un est l'autre », cest comme une trilogie. Est-ce la fin du troisième chapitre (Thierry Baumann, journaliste) ?
Ridan : Un peu. Entre le premier, le deuxième et le troisième album, il y a la continuité dune sorte de psychanalyse. Le premier album a posé les fondations dune idéologie entre le rêve et la vie. Cest très juvénile comme analyse mais je pense quon est tous plongé entre les difficultés de la vie et la profondeur de limaginaire, du rêve. Le deuxième album « Lange de mon démon » est une prise de conscience plus personnelle, plus introvertie. Le troisième album est la compréhension de soi et lacceptation. Tu fais beaucoup référence à lenfance. Il y a des mots qui ne trompent pas : lutin, contes de fées. Je pense que lenfance est lessence de tout un chacun. Quand on grandit, on prend de la bouteille au sens figuré, on essaie de trouver sa place dans une société. Linsouciance de lenfance se désintéresse de ça, on a juste envie dexister. Et je crois que ladulte qui est en nous a tendance à oublier lesprit naturel de ce que nous sommes, juste des êtres humains qui devons rêver. En fait, cet album te permet de faire une mise au point. Tes propos nengagent que toi mais ils sadressent complètement aux autres. Complètement, parce que lindividu cest nous. Cest un message très simple. Je nai pas envie de faire vivre des réflexions que je nai pas envie dassumer pleinement seul. Effectivement, on a le meilleur reflet de soi quand on propage une réflexion à lautre. Je ne veux pas que lautre souffre et je ne veux pas indirectement souffrir non plus. Je mintéresse à lautre en mintéressant à moi en passant. Tu rebondis beaucoup sur lactualité et il y a des thèmes ou des chansons qui se répondent dalbum en album. Oui, parce quentre le premier et le dernier, pratiquement cinq ans se sont passés. Lactualité évolue de jour en jour. Je pense quavec le temps on peut répondre à des questionnements quon avait quelques années plus tôt. Les problèmes de société sont vitaux pour moi parce que cest là quon vit. On vit avec les problématiques de ce monde. On les digère, on les accepte, on les réfute. Cest indispensable pour prendre conscience de son époque. Quest-ce qui te choque aujourdhui encore ? Cest toujours la même problématique. Je crois que cest la bêtise dans son ensemble. La bêtise sadapte à tout un chacun, je pense quon en a tous un petit peu. Peut être que certains en ont plus ou moins que dautres Je pense que la société développe des fléaux de bêtise. Je pense tout de suite à lintolérance, au racisme, à la difficulté à pouvoir être soi même. Plus généralement, je dirais que cest le problème dambivalence entre lêtre et le paraitre. On essaie trop de se rapprocher dun paraitre plutôt que dassumer pleinement son être. Justement, en parlant de paraitre et de gloire éphémère, il y a une chanson sur cet album qui est ô combien précise. Quest-ce qui ta interpellé pour faire « Star minute » ? Cest surtout le côté décalé qui mintéressait. Je me suis posé la question si aujourdhui, quelquun comme Brassens vivait à cette époque, comment aurait-il traité une thématique comme celle là. Jai pris beaucoup de plaisir à faire mon petit Brassens en reprenant cette thématique. Cest un peu cynique, ce nest pas méchant outre mesure. Ce nest pas dans lesprit de dramatiser le rêve de certains jeunes chanteurs en herbe. Cest surtout sur le côté opportuniste de ce genre de démarche. On napprend pas à être artiste. Il ny a pas décole. On napprend pas à respirer. Je ne vais pas dire que ce sont des choses innées et figées mais elles se font au fil du temps. On développe en nous des facilités. Un artiste développe sa facilité naturellement. Il trouve son univers, son cadre. Je crois quil ny a pas un professeur pour ça. Quand je regarde ce genre démission, ça me fait un peu sourire. En même temps, je suis un peu déçu quon puisse monter une telle mascarade. Je trouve que « Star Minute » est le reflet dune société en manque de starification, dexistence, de paraitre, un manque de fond, de rêves, didéaux. Je crois que cest dangereux de faire croire que le rêve se limite à du paraitre et à limage. Je pense quà un moment donné, un artiste, quil soit dans la chanson ou dans nimporte quel univers artistique, se doit dêtre non pas le reflet, il y aurait un coté vaniteux, mais le tampon dune société à un instant t. Je nai pas envie de croire que le monde dans lequel je vis sattache tout particulièrement à ce genre de procédé de mascarade. Après trois albums, comment analyses-tu ton parcours ? Je crois que le meilleur moyen de lanalyser est de ne pas lanalyser. Jessaie de regarder plus devant que derrière. Jarrive vers lâge du Christ, jai 33 ans aujourdhui A un moment donné, on commence à regarder un peu dans le rétro. Mais ce que jy vois ne me déplait pas donc je me focalise sur lavant. Je ne mintéresse pas plus que ça à mon parcours. La vie se dessine au fil des pas. Tu fais de plus en plus référence au patrimoine littéraire. On a eu le droit a Du Bellay. Là on est quasiment sur les fables de La Fontaine, on est peut-être même du côté de Rabelais ? Effectivement, je suis fan dune période malheureusement révolue, la période de lartiste, du poète, des auteurs. Cest assez paradoxal parce quils avaient des espaces de liberté moindres quà notre époque mais ils avaient plus de volonté à faire passer des idées. Je crois même pour être objectif quils avaient plus de talent, alors quils étaient face à une société monarchique, encore plus dangereuse quaujourdhui. Aujourdhui nous sommes en démocratie, on devrait gagner en espace de liberté. Avec tout ce quon a comme média, jai limpression que se paraphrase de plus en plus. On en arrive à une pensée commune qui est une pensée assez vide, lisse. Je suis amateur de goût donc je défends les valeurs là où elles sont. Et si elles ne sont plus à notre époque, jen suis le premier désolé. Je préfère aller puiser là ou il y a une réelle richesse. « A quoi ça rime » est pratiquement un rap ! Oui, je crois quon met trop de barrières entre les univers. La musique nest pas une multitude dunivers et de galaxies différents. On a des planètes différentes mais on vit tous dans la même galaxie. La pop est une planète à part entière, le rap, le rock, même la techno. Tout est potentiellement de la musique. Le grand univers sappelle « La musique ». Au sein dun même album, jai pour envie et objectif de faire découvrir à celui qui écoute le premier titre le dernier titre, qui est mi-rap mi-slam, dans un univers un peu spécial. Mais je crois que cest important de voyager dans un album. Il parait que tu es très pointilleux. Il faut que tout soit très juste ça va jusquoù ? Ça va jusquà temps que ça soit bien. La limite est là. On a deux manières de travailler dans ce métier là. Il y a ceux qui ont le don. Et ceux qui ont le temps. Moi je nai pas le don, donc jai le temps. La créativité est aussi synonyme de souffrance pour toi ? Tu avais des migraines chroniques. Ça sarrange au fur et à mesure ? Disons que la psychanalyse est quelque chose qui coute très cher. Au fur et à mesure, plus on paye et plus on a limpression dêtre guéri. Mais on est encore dans le fictif. Malheureusement, comme la définition de « chronique », cest récurrent. Je pense que ça ira mieux quand on sera tous des petits Bisounours sur une planète joliment rose. Je vais encore avoir mal à la tête je pense ! Merci Ridan. Merci à vous. Découvrez le nouveau clip de Ridan, "Passe à ton voisin" :
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