PhyltreVariete Francaise » Variété française
mardi 23 octobre 2012 0:00
Phyltre : "Chanter en français, c'était une évidence"
Par
Charles DECANT
| Rédacteur
C'est au Café Rouge à Paris que Pure Charts a rencontré Phyltre pour l'enregistrement de sa session Pure Charts Live. L'occasion de découvrir le groupe en action sur deux titres dont une reprise en français d'un grand classique de Blur, mais aussi de discuter avec son chanteur, Sylvain. Comment le groupe est-il né, quels défis attendent un jeune groupe aujourd'hui, pour quel motif pas très rock'n'roll leur arrive-t-il de se battre... ? Sylvain évoque également son idée de l'enfer, son avis très tranché sur les comédies musicales et leur reprise d'IAM qu'Akhenaton a adorée.
On a commencé le groupe pour draguer des filles et fumer des clopes Pure Charts : Commençons par le début. Comment toute cette aventure a-t-elle commencé ? Il y a une belle histoire un peu romancée pour raconter comment tout a démarré ?Sylvain : Non, l'histoire est super chiante ! (Rires) Ca reste joli mais c'est très classique. On s'est rencontré avec Benoît, le guitariste, au lycée, on a commencé à faire de la musique comme tout le monde pour draguer des filles et fumer des clopes. Et puis on s'est aperçu que c'était un peu plus qu'un fantasme d'ado, qu'on avait vraiment envie d'en faire notre métier. Donc on a cherché deux cas aussi motivés que nous - ce qui n'est pas évident - et on les a recrutés sur Internet ! Pourquoi avoir voulu embaucher deux membres de plus ? A deux, ça ne fonctionnait pas ? On aurait pu faire un duo mais on avait quand même envie d'avoir des copains en plus. L'aventure est quand même plus sympa. Il y a déjà suffisamment d'histoire de couples pour ne pas se retrouver à deux dans la musique ! Donc oui, on s'est retrouvé à quatre. Et puis c'est l'assurance vie des groupes de rock. Un batteur, un guitariste, un bassiste, un chanteur ! Tout a vraiment décollé quand vous avez remporté le Tremplin SFR Jeunes Talents. Il y avait eu d'autres concours avant, d'autres étapes ? Oui, on a fait quelques tremplins. Avant de devenir vraiment pro et de se lancer dans tout ça, on avait gagné le Tremplin Milonga à la Cigale, on avait joué avec Neneh Cherry, on avait eu une belle dotation et pas mal de matériel. Ca nous a permis d'enregistrer un premier 3 titres, dans des vraies conditions, c'était la première fois qu'on accédait à tout ce monde-là. Et après, le concours SFR, c'était l'aboutissement d'un premier petit concours, puis on a été désignés vainqueurs et c'est nous qu'ils se sont mis à suivre pendant un an. Une fois tous les deux mois, ça fighte ! Quand vous vous êtes formés, il y a deux ans, et que vous vous êtes retrouvés à quatre, c'était quoi le plan de bataille ? Qu'est-ce qu'on fait ? De la musique d'abord ? Des reprises... ?Non, on ne fait jamais de reprises. Ca fait deux ans qu'on a bien trouvé notre identité sonore. Donc c'est mener plusieurs combats de front. Il y a la compo, le live, des sessions acoustiques comme celle pour Pure Charts... Il y a la manière dont chacun veut appréhender le développement du groupe. On a la chance d'avoir un manager, un éditeur, un tourneur qui nous aident aussi. Et ça, ça s'est fait comment justement ? Vous avez fait les chansons à quatre mais comment vous avez trouvé tous ces gens-là ? Pour nous, le vrai début, c'est quand on a trouvé Julien, notre manager. Il a entendu en soirée des démos qu'on avait faites il y a longtemps, il nous a contactés, il nous a suivi pendant un an avant de vraiment bosser avec nous et quand on a enregistré notre premier EP, il nous a dit "Si l'EP est cool, on bosse ensemble". Donc on s'est bien arraché en studio, on a fait un disque quasiment pour un gars parce qu'on voulait vraiment bosser avec ce mec-là. Et voilà. Tu parlais, lors du développement du groupe, de vos idées sur la direction à prendre pour le groupe. Vous vous retrouvez autour d'une table et vous vous dites "Maintenant, qu'est-ce qu'on fait" ? Et ça fighte, oui ! Là, un petit peu moins, parce que plus on est entouré, plus on a des conseils qui nous permettent d'aiguiller le truc. Mais il y a quand même tous les mois ou tous les deux mois des petits accrochages. Il y a tellement de trucs à gérer, que ce soit sur l'image, sur les fringues, sur le choix des compos, sur les textes... Il y a toujours des moments où on n'est pas tous les quatre d'accord ! Des désaccords sur les fringues ? C'est pas très rock tout ça ! Et pourtant, ça en fait partie ! (Rires) Ce mois-ci, on a fait un showcase au Citadium parce qu'on est ambassadeurs Ben Sherman. Ca fait partie des trucs. Ben Sherman te file des fringues, nous on est super contents. On se retrouve au showroom pour choisir les fringues et on se bat ! Sortir un album reste une finalité La prochaine étape, c'est sortir un album ?Oui, c'est ça. Là, on a un 4 titres qui sort le 22 octobre. Là on fait de la promo pour ce 4 titres et un peu la tournée qui va avec. L'album, on a déjà fait une dizaine de morceaux cet hiver, qu'on a retravaillés avec l'éditeur aussi. En gros, on en garde 5 ou 6 et on aimerait bien en composer encore une quinzaine pour en reprendre 5 ou 6 et finir avec les 10 meilleures. Et puis en garder 5 sur les 30 enregistrées pour sortir ensuite une réédition ! Exactement ! (Rires) Aujourd'hui, on peut se poser la question du sens que ça a de sortir un album, non ? Vous pourriez fonctionner par EP ! C'est un peu ce qu'on fait depuis deux ans. Après, l'album ça reste aussi une finalité. Je pense que, si on était nés aujourd'hui, peut-être que dans 20 ans on ne dirait pas la même chose. Mais nous, on a grandi dans le modèle des albums et faire un album qui sort, avec un clip à la télé, des morceaux en radio - ce qu'on a déjà un peu - mais un enchaînement réfléchi des morceaux, une pochette qui est comme elle est pour telle ou telle raison... C'est un aboutissement assez sympa. Et après, même si c'est vrai qu'on consomme aujourd'hui la musique au morceau par morceau, il y a quand même une fanbase un peu hardcore qui nous aime bien et qui attend l'album. Et pour les groupes, peut-être qu'il existe encore un peu plus de logique à sortir un album que pour des artistes solo ? Exactement. Et l'EP, c'est cool, mais je pense qu'il y a encore des gens qui sont attachés à l'écoute d'un album en entier. Quand t'aimes bien un groupe, écouter que quatre morceaux, tu te les mets en boucle et au bout de deux semaines, t'as rangé le 4 titres et t'en peux plus. On nous compare à Indochine et au début, on se disait "Merde, merde, merde !" Pour parler un peu de votre musique, sur votre site, vous la décrivez comme un mélange de Boris Vian et LCD Soundsystem, vous citez aussi Michel Berger... C'est assez étonnant comme description ? A quels autres artistes peut-on aussi vous affilier ?Il y a toute la clique des Passion Pit, Hot Chip, et tout ça, qui nous bottent vraiment les oreilles. Il y a tout le côté guitare des Hives qui nous a bien forgés. Toute la scène électro française aussi, les Daft Punk, les Justice, on est assez fans. Il y a malgré tout un côté assez rétro dans votre musique ! Oui, on est bien fan des New Order. On nous compare un peu aussi depuis un an à Indochine. Au début, on était là "Merde, merde, merde !" et puis en fait, Indochine ils ont été salopés par les Inconnus. Mais sinon ce qu'ils faisaient, "3e sexe" et tout, il y a vraiment des trucs qui défoncent. Alors vu qu'on a des claviers et qu'on chante en français, c'est un peu la seule référence que les gens ont, c'est normal. Et on se dit que si on finit avec le même nombre de disques vendus et le même succès, en durant 20 ans et en sachant s'adapter, il y a pire ! Et justement, chanter en français, c'était une évidence ? Oui. C'est super dur mais c'est une évidence. C'est pas dur de l'accepter mais c'est dur de le faire. Depuis le début, j'ai toujours écrit, même ado, en français. Alors qu'on n'écoute quasiment pas de musique francophone ! C'est pour ça que dans nos influences on a mis Boris Vian, parce qu'à la limite le côté textes en français vient plus de mon amour pour la poésie, la littérature, le théâtre... Il y a quelques groupes français avec lesquels on a grandi, comme Noir Désir. Mais à part ça, ce n'est pas forcément quelque chose qu'on adore. Mais comme tout ce qui est dur c'est très joli... Ecrire en français c'est super dur mais à la fin, quand t'as réussi un texte en français et qu'il n'est pas naze... On a souvent ce type de compliments à la fin d'un concert, les gens viennent nous voir et nous disent "D'habitude, je déteste les groupes qui chantent en français mais vous, j'ai bien aimé". On essaie de ne pas faire sonner notre musique comme de la variété française, ni du rock français, pas Noir Désir, pas Luke, pas Eiffel... Même si c'est des trucs qu'on aime bien. Du coup il y a un gros travail sur le sens, sur les sonorités. Souvent, on a le sens d'un texte, sa trame, mais on passe des heures à chercher des mots qui accrochent pas trop la tête à coups de diphtongues et de consonnes insultantes. One Direction est un groupe assez vomitif Et vous avez des textes un peu revendicatifs sur cet EP ? Ou dans votre répertoire ?Non. Ou alors ce sont des conneries ! Contre le spam, tout ça ! (Rires) Ca ne veut pas dire qu'on n'a pas plein d'idées sur la politique, la revendication, tout ça, mais on les garde plutôt pour la sphère privée que pour le public. Je pense qu'il y a des gens qui le font mieux que nous et qui sont faits pour ça. Nous, les rares fois où on le fait, c'est tellement imagé que personne ne comprend rien ! (Rires) Sur le site du groupe, tu dis que selon toi, l'enfer, c'est une reprise de "Wonderwall" par One Direction et "1789, les amants de la Bastille"... ! (Rires) Oui, le jour où j'ai écrit ça j'ai découvert la vidéo sur Internet, de One Direction qui reprend Oasis. Je n'ai pas pu regarder en entier. J'ai vomi, c'était juste infâme ! Déjà, le groupe est quand même assez vomitif. Et puis "Wonderwall", on a tous un côté pop variét' qu'on assume et moi j'adore Oasis, les Killers... "Wonderwall" c'est juste un énorme hymne, un des plus beaux morceaux de pop/rock des années 1990-2000. Et eux qui reprennent ça... Je ne suis pas content ! Les comédies musicales, c'est la boucherie de la musique Il y a des chansons qu'on ne touche pas ? Ou le problème c'est que ce soit eux qui le reprennent ?Ah non, c'est parce que c'est eux qui le reprennent ! Il y a des trucs super bien faits par d'autres, au contraire. Des tierces, des vibratos à la fin de chaque phrase... !! Et tu revois Liam Gallagher avec ses mains dans le dos et son amour du destroy... Et "1789", c'est pareil ? Eh oui. Après, c'est un peu ma haine des comédies musicales mal montées. J'ai l'impression que tout le budget part dans la promo et le maquillage que dans les chansons et les artistes. Il y a des trucs qui passent mais moi je ne peux plus, ces spots de pub qui passent sur TF1 avant chaque émission... La boucherie de la musique ! Puisqu'on parle de reprise, quel titre pourriez-vous reprendre éventuellement ? J'aimerais bien le faire mais on n'y arriverait jamais, "You Can't Always Get What You Want" des Rolling Stones. C'est trop dur ! Et ce serait pour le faire en français ? Oui, bah oui. Comme Cabrel qui reprend les chansons de Dylan en français... ! Exactement. Ou Shakira qui reprend Cabrel ! (Rires) Pour l'instant on n'avait fait qu'une reprise, c'était celle du "MIA" d'IAM. On avait repris ça à notre sauce. Je suis assez fan de hip-hop et au début je pensais qu'on n'y arriverait pas. Et puis en fait c'était cool et là pour la session Pure Charts, on reprend "Song 2" de Blur et c'est traduit en français. Ca s'appelle "Chanson numéro 2" ! Akhenaton a donné sa bénédiction à notre reprise du "MIA" Toi tu es scandalisé par la reprise d'Oasis par One Direction mais peut-être que des fans d'IAM ont trouvé votre reprise affreuse !Non, et on a même eu la bénédiction d'Akhenaton ! On l'avait joué pour Le Mouv' et deux ou trois semaines après, Akhenaton est venu dans la même émission, l'animateur lui a passé notre reprise et il a dit "Il y a eu 12.000 reprises, elles sont toutes plus nulles les unes que les autres, mais celle-là j'adore, je la veux en mp3. J'aimerais bien avoir la bénédiction de Damon Albarn sur "Chanson numéro 2" ! Et pour finir, certains artistes ou groupes ont un peu peur du succès commercial parce que c'est souvent difficilement compatible avec la crédibilité, pour certains. Et toi, tu en penses quoi ? Moi je le veux, le succès commercial ! Le mot commercial a souvent une connotation négative mais à la base, ça veut dire qu'on vend et qu'on peut vivre de notre passion. Je pense qu'on peut arriver à vendre un morceau qui est cool ! Il y a plein de morceaux qu'on entend à la radio et qui génèrent des droits de folie qui permettent aux artistes de manger et de faire d'autres chansons. Tant qu'on ne se travestit pas et que ce n'est pas un truc dégueulasse exprès pour vendre, on recherche ce succès commercial. Podcast |