dimanche 31 juillet 2022 13:57
Maggie Rogers en interview : "Ces chansons sont libres et pleines d'espoir"
Par
Théau BERTHELOT
| Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Maggie Rogers est de retour avec son deuxième album "Surrender", plus rock que le précédent. Sa longue absence, son envie de lâcher prise et de liberté... La chanteuse pop américaine se confie en interview à Purecharts.
Crédits photo : Kelly Jeffrey
En 2019, Maggie Rogers faisait les présentations avec "Heard It in a Past Life", sur lequel elle s'imposait comme l'une des révélations pop les plus prometteuses. Trois ans et un diplôme plus tard, c'est une Maggie Rogers plus mature qui revient avec "Surrender", un deuxième album plus rock marquant un nouveau virage et un nouveau look pour l'artiste qui revendique plus que jamais la liberté sur ce projet. C'est début juin que nous avons rencontré la chanteuse américaine dans un bar à Paris, à une table en train de déguster du fromage. Un véritable plaisir pour l'artiste qui a vécu pendant quelque temps dans la capitale. Propos recueillis par Théau Berthelot. Trois ans et demi ont passé depuis la sortie de ton premier album. Qu'as-tu fait depuis tout ce temps ? Pendant un long moment, j'étais en tournée. On a tourné pendant un an et demi, et puis la pandémie est arrivée. J'ai passé beaucoup de temps seule, à travailler sur de nouvelles musiques. Et puis j'ai été diplômée il y a quelques semaines. J'ai fait une thèse sur les concerts en tant que religion. Et c'était incroyable ! C'est tellement fun d'apprendre et il y a beaucoup de choses à apprendre en terme de religion car il n'y a pas de réponses, juste des questions que l'on pose indéfiniment. Et j'ai rencontré plein de gens incroyables ! C'était difficile de faire en même temps cette thèse et d'écrire tes morceaux ? En fait, j'avais fini d'écrire la plupart des chansons avant la fac. Il y a une seule chanson, "Honey", que j'ai écrite pendant que j'étais à l'université. Ces derniers temps, c'était plutôt du mixing et du mastering de l'album, et faire des clips. J'ai eu l'impression que tout le travail que j'ai fait en cours était à propos de ce qu'est être une artiste et tout ce que je fais en musique est à propos de ce que signifie se connecter. Les deux choses n'étaient pas séparées, elles se sont bien complétées finalement. Tu n'as pas eu peur qu'on t'oublie dans une industrie où tout va à 1000 à l'heure ? Non, pas du tout ! J'adore faire de la musique et je pense que la pression change la qualité de l'art. J'aime mesurer mon travail en tant que qualité, pas de quantité. Le player Dailymotion est en train de se charger... J'ai été diplômée il y a quelques semaines ! Ton retour se fait avec un nouveau look et surtout un nouveau son plus rock. Pourquoi as-tu voulu aller cette direction ?Durant la pandémie, je me suis sentie assez paralysée. La musique a toujours été la façon dont j'interprète ma vie. Et j'ai toujours voulu avoir de grosses guitares, de la batterie. C'était très thérapeutique à mes yeux. Ça m'a vraiment aidé, physiquement parlant. Je voulais quelque chose que je voulais physiquement ressentir. Un album est toujours un album sur une période particulière mais quand j'étais en train de créer cet album, comme un véritable endroit où m'évader, le monde était si sombre, si intense. Je suis allée en studio et j'ai travaillé sur ces chansons qui sont libres et pleines d'espoir. C'était vraiment très spécial à mes yeux. Pour cet album, j'ai beaucoup écouté les Cardigans, Oasis, la Madonna de "Ray of Light" ou "Music"... Il y avait une envie de ne surtout pas se répéter par rapport au premier album ? Ce n'est pas différent parce que ça n'a rien à voir avec le premier album, c'est différent parce que je suis différente. C'est-à-dire ? Je pense que, surtout, j'ai eu plus de temps. J'ai pris le temps pour travailler sur des choses, les laisser un peu décanter avant de revenir dessus. J'ai vraiment appris et compris les chansons de l'intérieur, j'ai passé beaucoup de temps sur la production, sur les détails... Mais aussi il y a un esprit de communauté. Beaucoup de mes amis sont venus jouer sur l'album. Je pense que ce ne serait pas arrivé si tout avait été plus rapide. Je me suis sentie paralysée pendant la pandémie A quel point les deux années qu'on a vécues t'ont-elles influencées pour écrire cet album ?Ce disque est très autobiographique. Il parle de ma vie, mais je suis aussi une personne dans le monde. Il y a des choses dans le monde qui m'ont affectées, il y a eu des changements sociaux à la fois pour moi mais aussi pour le monde. On peut entendre ça sur l'album, des chansons comme "Begging For Rain" ou "Different Kind of World". Mais aussi, ça a à voir avec la tension que j'ai pu ressentir durant cette période. Le plus beau cadeau de cette pandémie a finalement été que je puisse revenir vers la musique, dans le sens où j'ai vraiment pu faire de la musique pour passer le temps, pour m'amuser. Je ne pensais pas du tout à ce à quoi ça allait ressembler, si les gens allaient aimer ça ou non. Tu sais, je suis retournée dans la maison de mes parents pour faire des beats donc c'était spécial. (Sourire) Comme tu le dis, ce nouvel album a été enregistré à trois endroits différents, dont le garage de tes parents : ça t'a permis de te ressourcer, de revenir aux bases ? Pas vraiment... C'est plutôt une question de processus et le fait de revenir aux origines. Autant au niveau du son que pour moi, qui suis différente aujourd'hui. Ça me rappelle un documentaire français sur Kate Bush où elle dit qu'elle a construit un studio dans la maison de ses parents pour faire l'album "Hounds of Love" et que ça l'a beaucoup aidée... C'est sûr, il y a vraiment moins de pression en faisant ça. C'est une des choses quand la musique est ton métier. Mais là, ce n'était pas un métier. (Sourire) C'était la pandémie donc je faisais ça juste parce que j'adorais ça, parce que c'est ma façon préférée de passer le temps. C'est même la meilleure façon de passer le temps car c'est quelque chose de très libérateur. Découvrez "That's Where I Am" de Maggie Rogers : Ton album s'appelle "Surrender". C'est assez surprenant car c'est un mot assez négatif qui veut dire "se rendre" ou "capituler". Dans quel sens définis-tu "Surrender" ? C'est un mot plutôt positif à mes yeux. Pour moi, "to surrender", c'est ressentir tout ce qu'on doit ressentir. Le fait de lâcher prise. Dans le sens où ça vous donne le meilleur dans la vie. J'ai appris et compris les chansons de l'intérieur Sur Twitter, tu as écrit qu'il s'agissait au départ d'un album "énervé" qui s'est transformé en une "joie sauvage" : c'est-à-dire ?J'étais assez énervée quand j'ai fait l'album et quand je l'ai écouté, il y avait un côté très joyeux. Je pense que ce mot "sauvage", comme un instinct animal, c'est l'idée que la colère et la joie sont des sentiments assez similaires, parce qu'elles prennent le contrôle de tout ton corps. J'ai entendu la joie dans cet album, mais il y a aussi un peu de friction et de noirceur sous-jacente que j'ai trouvé assez crédible. C'était assez difficile avec des choses personnelles. En écoutant l'album, j'ai ressenti une sorte d'urgence dans le son et les thématiques : c'était le mot d'ordre du projet ? C'était la façon dont je me sentais en faisant l'album. L'urgence est vraie, je la ressens aussi. Mais en général, je ne rentre jamais véritablement dans cette idée de ce que doit être un album, la façon dont il doit sonner. L'album ressemble juste à ce que je ressens actuellement et depuis deux ans. Tout m'a semblé assez urgent. Je veux dire, le monde peut s'écrouler d'une minute à l'autre. J'ai eu ce genre de réflexions. La ville de New York tient un rôle primordial dans le single "That's Where I Am", mais aussi dans la majorité de l'album : pourquoi ? Je pense qu'avec tout le vide qu'on a ressenti durant la pandémie, New York ressemblait à une ville très claustrophobe où les gens semblaient pourtant connectés. On pouvait voir les gens marcher dans la rue ou dans le métro, il y avait un vrai sens d'unité. J'ai déménagé à New York quand j'avais 18 ans, j'y ai vécu pendant six ans et c'est là où j'ai appris à devenir une artiste. J'ai fait beaucoup d'expériences et pour moi, c'est ce qui se rapproche le plus de ma maison. Et la plupart des évènements dont parle l'album se sont passés à New York. Donc ça m'a semblé un décor assez naturel. C'est là où les choses m'ont le plus marqué. Regardez le clip "Want Want" : A New York, j'ai appris à être une artiste "Want Want" est une chanson aux paroles sexuelles plus qu'explicites. Tu n'as pas voulu te mettre de limites sur ce titre ?En tant qu'auteure-compositrice, je pense que mon travail est de raconter la vérité. C'est un disque qui parle des sentiments, du plaisir, donc le sexe en fait partie. Le plaisir est une façon de vivre véritablement ta vie dans le monde. Que ce soit un bon fromage, être assis au soleil à Paris, une bonne nuit de sexe... Ce sont des choses vraiment importantes pour vivre une belle vie. C'est plutôt assez rare dans la pop, comparé au rap par exemple. Je vois ce que tu veux dire... Mais je pense qu'il y a une vraie différence entre sensualité et sexualité. Si je parle de plaisir et de sensualité, c'est quelque chose qui vient vraiment de l'intérieur. Et c'est quelque chose de vraiment important à mes yeux. Je ne pense pas que ce soit quelque chose pour les autres, mais justement une chose pour soi. C'est un album sur lequel tu prônes le lâcher prise, la liberté : c'est une réaction aux confinements ? D'une certaine façon... C'est quelque chose qui m'est arrivé durant le confinement. J'ai trouvé une certaine liberté dans la solitude. Je pense que l'on peut l'entendre dans ma voix, dans tout le disque. Ce n'est pas à propos du fait de se libérer mais de cette liberté que j'ai trouvée à travers le confinement. Dans le clip "That's Where I Am", on peut voir David Byrne et tu as enregistré dans les studios de Peter Gabriel : c'est une façon de te reconnecter à tes pairs, à tes modèles ? Oui je les adore tellement ! David Byrne a toujours été l'un des musiciens préférés, Peter Gabriel aussi. Le fait de pouvoir enregistrer avec lui, en train de tourner autour, c'était vraiment cool. Ce n'était pas du tout un but d'être avec eux, c'était plus une histoire de respect mutuel. Mais je ne leur ai pas encore proposé de collaboration. (Sourire) L'urgence dans cet album est vraie Dans la chanson "I've Got A Friend", qui est cet ami mystérieux dont tu parles pendant tout le titre ?C'est ma meilleure amie Taylor. J'aime bien l'idée d'écrire une chanson d'amour pour sa meilleure amie. (Sourire) Et puis j'ai eu sa permission pour le faire car c'est une chanson assez personnelle ! Ton premier album a été deuxième des charts aux USA et on te décrit souvent comme la "star de l'indie pop". Mais est-ce que tu as envie de devenir une popstar à la Taylor Swift, par exemple ? Je pense que mon rêve est de sortir ce que j'aime, tout simplement. J'adore ce disque. Si les gens l'adorent aussi, c'est génial, sinon ce n'est pas grave, j'en ferais un autre. Et ce disque-là, je voulais vraiment le faire depuis longtemps. C'était ça mon rêve ! J'ai confiance dans le goût des Français Et peu importe l'accueil, tu as fait l'album dont tu rêvais et dont tu es fière !Exactement ! Parce que ça veut dire que c'est quelque chose de vrai. Mon travail, c'est de raconter la vérité, c'est tout ce que je sais faire. Tu as envie de t'imposer aussi en France ? En réalité, la France représente tellement de choses pour moi. Je ne sais pas si tu as déjà eu cette sensation quand tu voyages et qu'un endroit résonne tout particulièrement en toi, où tu te sens vraiment toi-même. J'adore être ici, j'ai vécu ici, j'y ai passé beaucoup de temps et j'y ai beaucoup d'amis. Beaucoup d'oeuvres artistiques que j'adore ont été faites ici. Et j'ai l'impression que les Français sont très sensuels... J'ai confiance en leurs goûts. (Sourire) Ils ont vraiment un sens de la poésie particulier. Niveau salle, tu vas quand même passer de la Gaîté Lyrique (500 places) à la Salle Pleyel (2.000 places) pour ton prochain concert ! C'est totalement fou ! Ce qui est vraiment génial à propos de mon prochain concert là-bas, c'est que j'y ai vu beaucoup de concerts, vu que j'ai vécu ici pas mal de temps. Je sais ce que c'est que d'être une fan ici. Je suis allée dans toutes ces salles et j'ai vu tous ces groupes. C'est vraiment particulier comme expérience de jouer dans une salle dans laquelle tu as vu des gens que tu aimes tellement. C'était en 2013, 2014, j'ai vu Sharon Van Etten, Caribou, James Blake, Jamie xx, Father John Misty, Tobias Jesso Jr... Toutes les stars indés quoi ! (Sourire) Tu prépares ta nouvelle tournée mondiale et tu as fait ton retour sur scène à Coachella : comment ça s'est passé ? Je me suis tellement amusée à Coachella ! Tu sais, j'ai passé tellement de temps à étudier les concerts à la fac, en réfléchissant à ce qu'ils représentaient vraiment, que quand je suis montée sur scène, je me suis dit que j'allais bien voir ce qui passerait. Et c'était vraiment énorme, je me suis tellement amusée ! Je ne pensais à rien d'autre sur scène, juste que c'était tellement fort de pouvoir enfin jouer de la musique sur scène. C'est ce que j'aime plus que n'importe quelle chose sur cette planète. C'était vraiment un rêve !
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