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dimanche 21 juillet 2024 12:53

Glass Animals en interview : "J'étais perdu, cet album m'a permis de revenir à la vie"

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Glass Animals fait son grand retour ! Trois ans après l'énorme succès viral de "Heat Waves", le groupe partage "I Love You So F***ing Much", un quatrième album spatial et rêveur. Dave Bayley, leader de la bande, nous emmène aux confins de sa galaxie musicale, entre vision du succès, solitude et nostalgie.
Crédits photo : Polydor
Il suffirait de presque rien, comme dirait la chanson. Un seul titre pour changer une carrière et une vie. Celui-ci, c'est "Heat Waves", perle pop solaire et addictive devenue, 18 mois après sa sortie initiale à l'été 2020, un immense tube mondial grâce aux réseaux sociaux. Immense est même un euphémisme : avec 3 milliards d'écoutes, il s'agit de la 11ème chanson la plus populaire de tous les temps sur Spotify. Quatre ans et 12 millions de disques vendus plus tard, revoilà Glass Animals avec "I Love You So F***ing Much", nouvel album onirique et spatial mais qui devrait leur valoir un nouveau succès. Discussion par écrans interposés avec le passionnant Dave Bayley, chanteur et tête pensante de la formation britannique.

Propos recueillis par Théau Berthelot.

Depuis la sortie de "Dreamland" il y a quatre ans, tout a changé pour le groupe : vous êtes devenus des superstars, vous cumulez des milliards de streams et des millions de fans. Comment as-tu appréhendé l'écriture de ce nouvel album "I Love You So F***ing Much" avec ce nouveau statut ?
C'est une très bonne question ! Tout d'abord, il faut savoir que le succès de notre dernier album nous a ouvert pas mal de portes. Il est sorti juste après la pandémie, on a pas mal fait de concerts, mais j'ai eu l'impression de rater beaucoup d'opportunités. J'étais enfermé chez moi, en caleçon, en train de manger des céréales et en attendant que les restrictions soient levées. Dès que c'était bon, je voulais tout faire, écrire avec tout le monde. Donc tu te retrouves à dire oui à tout, et j'ai fait beaucoup de choses. Mais j'ai fini par tomber malade et j'ai été bloqué dans mon Airbnb. J'ai donc été forcé d'être seul et isolé, donc je me suis mis à écrire, comme d'habitude seul dans une chambre, mais quelque chose a fait tilt. Mais je n'avais pas la confiance et le courage d'écrire à nouveau seul, jusqu'à ce que j'en sois forcé. C'est comme ça que j'ai fait l'album.

Le fait d'être plus populaire vous a-t-il donné plus de moyens pour réaliser vos ambitions ?
Je pense que c'est le cas, d'autant plus qu'en travaillant avec beaucoup de producteurs et auteurs-compositeurs, j'ai tellement appris ! J'ai tout absorbé, comme si j'étais une éponge, en essayant d'apprendre autant de choses que possible. Ça m'a permis d'avoir les armes pour continuer. Je suis assez timide et j'ai trouvé ça très difficile d'être vulnérable et de travailler avec quelqu'un d'autre sur une chanson que j'allais devoir chanter. J'adore travailler avec d'autres personnes, les aider à écrire des choses vulnérables et essayer de rendre possible leurs visions, mais quand il s'agit de Glass Animals, c'est plus délicat. J'ai pris toutes ces informations et ça m'a énormément aidé. Mais, pour être honnête avec toi, personne ne s'attendait à ce que "Dreamland" ait autant de succès. Et le label m'a fait assez confiance pour faire ce que j'avais envie de faire, ce qui est une vraie chance !

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Le succès de "Heat Waves" nous a ouvert pas mal de portes
Tu dis que ce nouvel album est né en réaction au succès de "Heat Waves". Dans quel sens ?
Le succès de "Heat Waves" et de "Dreamland" a eu un effet très positif. C'était la chanson la plus personnelle et vulnérable que j'avais pu écrire à l'époque. Elle a eu le succès qu'elle a eu et m'a donné la confiance de pouvoir refaire ça. C'est une réaction dans ce sens-là. Je ne sais pas si ça fait quelque chose de négatif, à part que je n'aime pas être trop présent médiatiquement. Et que ça m'a mis beaucoup de pression sur des choses que je n'aurais pas fait en temps normal : aller à des diners, sur des tapis rouges, des interviews pour les réseaux sociaux... Là-dessus, je ne suis pas très à l'aise.

"Heat Waves" vient de dépasser les 3 milliards de streams sur Spotify, c'est la 11ème chanson la plus populaire de tous les temps. Ça a été une pression pour ce nouvel album, par exemple de faire un "Heat Waves 2" ?
Les gens me demandent souvent ça mais en fait, "Heat Waves" vient vraiment d'un truc très personnel, que j'ai écrit dans ma chambre, dans une bulle. Quand je me rends compte de ça, ça me rassure en un sens de continuer sans avoir besoin de répéter la même chose. Je trouverai ça ennuyeux d'essayer de refaire sans cesse la même chose. C'est stupide, ça ne m'intéresse même pas ! On a toujours essayé de faire quelque chose de neuf et de différent à chaque nouvel album, on a fini par le faire.

Je n'avais pas le courage de réécrire seul jusqu'à en être forcé
Justement, ce qui frappe à la première écoute de cet album, c'est l'univers et l'ambiance spatiale du disque. Pourquoi être allé dans cette direction ?
C'est aussi une bonne question (sourire). J'ai toujours voulu faire un album sur l'espace. J'adore les films sur l'espace, et notamment leurs bandes originales, ça m'a toujours attiré. Mais à chaque fois que j'essayais, le résultat me semblait assez froid. En même temps, l'espace est un endroit super froid tu me diras, c'est un espace entièrement vide et pas très accueillant. Il n'y a pas beaucoup d'amour, c'est même le contraire ! C'est l'antithèse de l'amour. Et c'est en faisant cette connexion, en l'utilisant comme arrière-plan, que j'ai eu envie de juxtaposer ces histoires d'amour très intimes et ces relations humaines puissantes et complexes, dans l'espace. C'est bien plus intéressant : la gravité et le poids des petites choses devant nous est bien plus important que l'espace. J'aime cette idée de l'encadrer dans ce que tout le monde décrit comme la chose la plus immense dans l'univers.



Je pensais que j'allais mourir du Covid
Dans la culture populaire et notamment au cinéma, l'espace est souvent lié à la solitude. Peut-on relier ça à ton côté introverti ?
Je pense oui ! On peut lier ça au fait que j'aime explorer... C'est peut-être pour ça que j'aime les films sur l'espace ! (Il réfléchit) Il y a beaucoup de liberté dans le fait d'être introverti. Être seul et avoir l'espace pour expérimenter, te permet de faire face à tes propres pensées. C'est d'ailleurs le sujet de nombreux films sur l'espace quand tu y penses, et c'est vraiment comme ça que je fais mes albums. C'est une bonne réflexion, je n'y avais jamais réfléchi !

D'où la chanson "What The Hell Is Happening ?" où tu racontes être kidnappé dans le coffre d'une voiture, mais où tu chantes « I'm so happy, this is just where I want to be » ("Je suis heureux, c'est là que je veux être") ?
Oui, je pense que c'est une référence directe à la façon dont j'ai écrit l'album. Comme je te l'ai dit, j'ai passé beaucoup de temps à faire des sessions et à écrire pour les autres, soit des choses très extraverties. Puis j'ai été très malade, j'ai eu le Covid, et j'ai eu très peur. Tu as déjà eu le Covid ? Ça te fait ressentir quelque chose d'assez funeste. La première fois que je l'ai eu, j'ai failli finir à l'hôpital, c'était vraiment moche à voir. La deuxième fois, j'ai eu très peur car j'étais seul et il y avait une énorme tempête donc je ne pouvais pas quitter l'endroit où j'étais. Il n'y avait aucun moyen de sortir et je pensais que j'allais mourir. J'ai essayé de dresser un parallèle entre ça et l'histoire de la chanson où je suis kidnappé. Mais d'un côté, c'était assez excitant : je n'avais aucune aide, mais j'avais une excuse pour ne pas sortir. "Pourquoi tu ne peux pas venir à la soirée ? J'ai le Covid et y'a une grosse tempête donc je ne peux pas sortir". C'est étrangement sympa (rires).

Je pensais que je ne méritais pas ce succès, je le pense toujours
Tu dis avoir traversé une crise existentielle. Ecrire énormément de nouvelles chansons était devenu un besoin vital ?
Absolument ! Quand j'ai eu cette crise existentielle, j'étais un peu perdu. Je ne savais pas ce que je voulais faire, ce que le succès allait m'apporter, je pensais que je ne le méritais pas, et je le pense toujours ! Un peu le syndrome de l'imposteur en somme. J'avais l'impression que j'étais perdu l'espace et pour moi, cet album est une façon de sortir de ce trou noir et de revenir à la vraie vie. C'est pourquoi les chansons sont une manifestation de ça : elles parlent d'amour, de relations humaines, de moments très intimes et à quel point tout cela est très important. Ces choses semblent infiniment petites mais c'est important de les aborder.

C'est vrai qu'on sent ce besoin de se reconnecter à l'humain dans l'album. C'est assez parlant, notamment sur le dernier morceau "Lost In The Ocean" !
C'est exactement ça ! C'est un peu comme si le vaisseau se posait à nouveau sur Terre. Aujourd'hui, c'est tellement facile de se sentir déconnecté, surtout dans un monde où on est sans cesse connecté par Internet. Tout cela est tellement fake, on passe beaucoup de temps sur de fausses relations ou à lire des choses sur le devenir incertain du monde. Parfois, tu dois prendre tes distances avec ça afin de faire un break. Heureusement, moi, j'ai été forcé de prendre une pause.



Je trouve ça ennuyeux de refaire la même chose
Dans les sonorités, "Dreamland" était un album très électronique et synthétique, avec quelques parties "urbaines". Celui-ci est plus organique. Je pense au morceau "Show Pony" qui me rappelle un peu l'univers de Beach House. Il y avait un besoin de revenir à de "vrais" instruments ?
J'adore cette chanson ! Je suis content que tu dises ça car c'est vraiment un album analogique. C'est vraiment ce que je voulais faire parce qu'en utilisant des sons plus modernes, j'avais l'impression que ça sonnait comme quelque chose de froid, alors que je voulais que l'album soit quelque chose de plus chaleureux. Je voulais vraiment que l'album ait un aspect live, qu'il ne sonne pas comme quelque chose programmé par un ordinateur. J'ai construit un studio juste pour faire cet album. Tous les instruments des années 50, 60 et 70, ils étaient fait pour sonner comme s'ils venaient du futur. On entend ça dans les BO de films de science-fiction. Je me suis vraiment amusé à le faire, mais c'était voulu.

J'ai l'impression que l'album est émaillé de clins d'oeil à d'anciens titres : "White Roses" rappelle énormément "Heat Waves", le riff de "On The Run" rappelle celui de "Waterfalls Coming Out Of Your Mouth" !
Ah ouais tu t'y connais ! (Rires) J'aime bien faire référence à d'autres chansons, surtout quand elles ont des points communs, notamment au niveau des paroles. De plus, les gens ont une façon bien à eux de dire les choses. Tu as les tiennes, j'ai les miennes, et j'ai l'impression que ça se ressent dans la musique.

Il y a aussi un côté nostalgique dans les paroles comme sur le premier morceau "Show Pony" ou le single "Creatures in Heaven"...
J'ai essayé d'explorer toutes les facettes de l'amour. La chose que tu dois faire, c'est de comprendre que chacun a une conception différente de l'amour. Et c'est formé par ton expérience de l'amour, de ce que tu vois autour de toi, tes parents, tes voisins... Très jeune, tu construis cette idée de ce que doit être l'amour. Ça me semblait logique de commencer l'album sur ce côté nostalgique, pour montrer quelle est ma vision de l'amour.



Si tu fais toujours le même concert, les gens ne reviennent pas
Vous faites une tournée des arenas aux Etats-Unis. Beaucoup d'artistes ont du mal à remplir leurs tournées ou les annulent comme les Black Keys ou Jennifer Lopez. Comment analyses-tu ça ?
C'est assez délicat. Moi, je fais juste la musique, mais je pense que pour nous, le but est de proposer le meilleur concert possible. Nous avons passé beaucoup de temps à créer le décor, pour faire quelque chose de neuf et de jamais vu. Nous réinterprétons toutes les nouvelles chansons en live, donc elles sont différentes des versions albums auxquelles on injecte un côté plus festif et amusant. Je pense que tu dois maintenir cette réputation de faire un show différent à chaque fois. Si tu reviens en proposant tout le temps le même concert, les gens ne reviendront pas. Nous, on essaie vraiment de faire quelque chose de différent à chaque fois. Et puis, les places sont devenues très chères, donc les gens font désormais attention et choisissent ce qu'ils veulent aller voir.

Après "Heat Waves", Glass Animals a un nouveau titre qui est en train de devenir viral, "Take A Slice", datant de 2016 !
C'est vraiment génial ! J'adore le tendance qui y est liée, c'est drôle et ça représente bien l'idée de la chanson. Ça me fait bien rire à chaque fois que je vois ça passer. Ce sont des moments qui viennent de nulle part lié à ce solo de guitare qui explose. J'adore ça !

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