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mercredi 24 février 2010 18:00

Camélia Jordana en concert au Studio des Champs-Elysées

Par Thierry CADET | Rédacteur
Camélia Jordana, dont le premier album sera disponible à partir du 29 mars, se produira en concert au Théâtre des Champs-Elysées, les 12 et 26 avril, puis les 3, 10, 24 et 31 mai prochains : découvrez le visuel de son opus !
On perçoit pèle-mêle l’influence possible d’une Françoise Hardy, des Moriarty ou de la Première Dame mais néanmoins chanteuse Carla Bruni. Parmi les autres morceaux de l'opus : "J’étais", écrit par Jean Felzine du groupe de rock français Mustang, "Diva" de Babx Abel Cain et Severin (deux auteurs à suivre) : c’est à un disque réfléchit sans course au name dropping que l’on a affaire. Elle s’est entourée d’auteurs inconnus du grand public, qui ont su lui fournir des textes et un rythme qui semblent lui coller à la peau.



C’est un feeling pop déstabilisant qui vous saisit le corps, l’esprit et vous laisse avec des images de paradis perdus mélodiques. C’est la certitude d’être tombé (de haut) sur une voix singulière, mais aussi sur le meilleur écrin à chansons pour que cette voix reste en totale liberté. «Si j’écoute de la musique c’est pour une voix, un texte, ou une mélodie qui fonctionnent tous ensemble» déclare la chanteuse.

Camélia Jordana a aujourd’hui 17 ans. Elle n’a rien d’une créature étrange. Sensible, spontanée, curieuse de tout, déstabilisée par les premiers chagrins d’amour qui viennent (presque) toujours au mois d’août. Pourtant son premier album est impossible à dater. Il affiche une sacrée conscience du passé, mais aussi un vrai devoir de modernité. Il joue avec la pop architecturée, le lyrisme, les tragédies intimes, la profondeur de champs mélodique, le folk pour les cowgirls qui ont le blues sur la route.

Revient en mémoire la découverte de Camélia Jordana. Un choc pour ceux qui regardent la musique à la télé avec un reste de dédain un peu hors de propos. février 2009. Les auditions filmées à Marseille pour l’émission musicale phare de M6, "Nouvelle Star". Une jeune fille portant d’épaisses lunettes de vue Ray Bans s’avance face au jury. Elle a 16 ans. Avant elle chantait devant sa glace dans des imitations de Britney Spears. «Depuis que je suis toute petite, je rêve d’une carrière dans la chanson. C’était un fantasme. Maintenant je me dis que c’est la vie idéale. Je pourrais passer toute mon existence entre le studio et la scène. Je me sens enfin épanouie !». On lui trouve une dégaine à la Ugly Betty. A cappella la révélation paraît évidente. Quand Camélia chante le standard "What A Wonderful World" de Louis Armstrong, un frisson parcourt le jury de l’émission et aussi le téléspectateur. On entend dire à propos de Camélia Jordana : «Mademoiselle, vous pourriez devenir notre petite Amy Winehouse !» (André Manoukian). De février jusqu’à juin et son élimination en demi-finale du programme qui a, les années précédentes, révélé Julien Doré, Amandine Bourgeois et Christophe Willem, Camélia Jordana promène sa voix étrange et un peu cassée sur des reprises de Carla Bruni, Blondie, Britney Spears, Rolling Stones, Louise Attaque. Toujours avec le même mélange de naturel et d’émotion à vif plutôt soufflante venant d’une si jeune personne. En plus des habitués du programme, la presse culturelle dans un élan d’unanimisme (Libération, Télérama, VoxPop) plébiscite Camélia Jordana. On parle à son propos de mélange vocal entre Barbara et Cat Power. Le milieu de la chanson française se met au diapason de l’intérêt. Elle ne gagnera pas l’émission, mais rien de dramatique : «Avant que je sois éliminée j’avais la certitude qu’on allait me donner la chance de faire un album. J’étais extrêmement excitée de tenter cette aventure !».

Camelia Jordana est née en 1992. Elle a passé son enfance et adolescence dans le Var (La Londe-Les Maures, une ville située à quelques kilomètres de Hyères). Elle est, comme le diraient certains sociologues de comptoir, une enfant de notre siècle 2.0 : présence sur internet et ses réseaux sociaux, blogs, participation à une émission de radio crochet à la télé, découverte de la pop en mode lecture aléatoire sur l’iPod. Elle touche un peu aux cours de théâtre. Elle se passionne pour le cinéma doux-amer de Christophe Honoré (« Dans Paris », « Les chansons d’amour »). Elle rêve à une vie dans une grande ville. Lily Allen, Herman Düne, Coco Rosie, Kate Nash (« Mes quatre piliers principaux»), Emily-Jane White, Britney Spears et Rihanna font partie de ses jalons pop. « Mes références générationnelles ça reste le deuxième album de Lily Allen, « It’s not me, it’s you », et le premier disque de Kate Nash. Leurs voix à toutes les deux, ça devient un instrument. Elles ont l’air de s’amuser en chantant. Je suis sensible à ça. Le côté spontané de la musique. Le truc qui fait que tout à l’air facile et naturel ! » Et la jeune femme d’ajouter : «Sur mon disque, je ne voulais surtout pas faire la Lily Allen française. À 17 ans, cela aurait été limité. Alors je me suis mise à chercher des textes. Des choses qu’on aurait pu m’écrire avec les mots desquels je me sentirais à l’aise ! C’est très important pour moi de pouvoir m’approprier les mots et de m’en faire un costume !».

En amont de l’enregistrement du premier album, des rencontres ont lieu entre la jeune chanteuse et ceux qui pourront lui fournir textes et mélodies. Certains noms vont vite s’imposer. Surprise, c’est un casting d’auteurs compositeurs plus à l’aise dans les registres de la chanson sophistiquée plutôt que ceux de la variété toute prête à être consommée. Babx, Mathieu Boogaerts, Doriand, Jean Felzine (leader de Mustang), Abel K1, la probable révélation L. Même Camélia-Jordana y va de sa première chanson (texte et musique) avec le charmant et Lily Allenien « Little Monster ». Tous vont travailler au studio Pigalle à Paris sous la direction de Séverin et de Babx. L’enregistrement dure trois mois. Une grande partie du mixage final de l’album est confié à Stéphane « Alf » Briat, un des grands artisans du son labélisé french touch (Phoenix, Air, Arnaud Fleurent-Didier), l’autre à Jérôme Poulain (Studio Pigalle, équipier de Babx). Camélia fait maintenant partie d’une équipe à la même sensibilité pop avec tous ceux qui ont participé à son disque.

Camelia Jordana n’a pas connu en direct le cinéma de la nouvelle vague des Truffaut et Godard. Pourtant, c’est la même urgence dans les sentiments, la même jeunesse lancée aux trousses de l’amour en fuite que l’on entend sur des titres comme « La vie en solitaire » et « Les mois d’août à Paris ». Elle n’a pas vu Barbara chanter « L’Aigle Noir » au théâtre de Passy. Néanmoins, il plane un parfum de tragédie habillée en robe du soir sur l’impressionnant piano voix en forme d’introspection post télé crochet qu’on entend sur le bloc de fragilité, « Lettera » (reprise poignante d’une chanson originale de Babx): « Mon amour tu me manques, j’ai comme envie de chialer (…) Ici pas une planque pour s’asseoir et pour pleurer. En travelling au zapping, je serais pas belle à regarder ». Et puis il y a quelque chose d’encore plus sensuel qui flirte en périphérie de ces 13 titres. Quelque chose qu’on n’attend pas forcément d’une jeune fille pas encore majeure. Un fantôme. Camélia Jordana est arrivée au monde un an après l’album « Osez Joséphine » d’Alain Bashung. Et voilà qu’à travers « Calamity Jane » et « Tombée de haut » repassent les caravanes, les road movie folk, l’Amérique vue du bord de la route dans un désert, les mademoiselle qui rêvent élégamment à des « nuits blanches en satin ».

Il y a tout ça sur son premier album. Tout ça, mais adapté à l’époque, chanté avec la voix de quelqu’un qui a développé une sensibilité à fleur de peau et une intelligence instinctive de l’interprétation. «C’est une amie du lycée qui m’a envoyé un SMS pour me dire que mon premier single était programmé à la radio. Je suis désolée, mais là j’ai fondu en larmes toute seule. C’était mon rêve d’entendre ma voix dans le poste !» À 17 ans, Camelia-Jordana comprend qu’elle n’en est qu’au début de quelque chose qui pourrait bien s’inscrire sur le long terme : «Je suis maintenant consciente de ce que l’on me disait avant, quand on me parlait de ces personnes qui ont la chance d’avoir un métier qui leur correspond. J’ai enfin trouvé ma place !».

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