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samedi 04 octobre 2014 10:32

Camélia Jordana en interview : "Un tube à n'importe quel prix, ça ne m'intéresse pas !"

Par Matthieu RENARD | Rédacteur
Elle a bien grandi... Camélia Jordana a publié son deuxième album "Dans la peau" la semaine dernière, 4 ans après son premier album éponyme sorti après sa participation au télé-crochet "Nouvelle Star". Elle nous attends assise à la terrasse d'un café du 18ème arrondissement, un lundi matin ensoleillé, pour évoquer les contours de ce nouveau projet et son parcours, avec sa spontanéité et la maturité qui la caractérisent tant.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Matthieu Renard.

Pourquoi avoir attendu 4 ans avant la sortie de ce deuxième album ?
Parce que j'ai fait plein de trucs entre temps ! J'ai fait du cinéma, du théâtre, je suis parti à l'étranger faire de la musique avec des copains, en Equateur, en Algérie, en France... Tout ça m'a beaucoup nourri, assez pour que je me mette à écrire moi-même. J'ai été beaucoup encouragée par des amis que j'estime beaucoup comme, Babx ou L. Ça m'a motivée pour travailler et faire aussi bien que ce qu'ils avaient composé sur mon premier album ! Je ne peux pas me mettre à écrire et chanter des chansons moins bien qu'avant. Ce n'est pas possible !

Aujourd'hui, tu es plus sereine que pour la sortie du premier album ? Tu avais 17 ans !
Depuis mes 16 ans j'ai une vie de trentenaire
(Rires) Non, vraiment pas ! Pour le premier album, je ne me posais pas la question des ventes. Je savais que les médias parleraient de l'album étant donné que je sortais d'une émission de télé populaire. Que ça leur plaise ou pas, la médiatisation était assurée. Aujourd'hui c'est différent. Ça fait 4 ans que je fais des projets qui n'intéressent pas les médias avec un grand M... J'ai beaucoup de chance, les médias parlent de mon nouvel album car il y a un capital sympathie qui est assez étonnant, l'album plait. Mais là je ne sors pas de 4.5 millions de téléspectateurs chaque semaine pendant deux mois. Je ne sais pas dans quelle mesure on peut parler à autant de gens que sur le premier album...

Il y a une maturité sur ce nouvel album, dans les textes, la proposition artistique, c'est très recherché... Comment à 22 ans on fait un album si adulte ?
Alors c'est un album adulte c'est vrai, mais c'est aussi très pop. Je pense que la maturité dont tu parles, c'est plus quelque chose qui est quotidien dans ma vie. Normalement à 16 ans, les gens en ont encore pour 3-4 ans d'études au moins. Et moi depuis mes 16 ans j'ai une vie de trentenaire. Je suis autonome, indépendante, j'ai des responsabilités et un quotidien d'adulte. Depuis que j'ai 16 ans, j'ai des amis qui ont entre 30 et 50 ans. Ça fait avancer plus vite... Après, tout ce qui ne passe pas à la radio et qui demande une certaine exigence artistique a l'air plus mature. Et vu que je n'ai pas voulu m'inscrire là-dedans, dans un truc radiophonique, ça semble plus mature.

Tu as voulu éviter de faire des morceaux formatés pour la radio ?
Non, en fait, j'étais contente de voir que des morceaux comme "Dans la peau" ou d'autres avaient tendance à plus aller vers ça quand même, avaient un potentiel de "single" mais avec lesquels je me sentais complètement cohérente. Il fallait que ce soit cohérent avec le reste de l'album. C'était important pour moi. Mais après non, j'ai pas voulu mettre des morceaux dans l'album pour être sûre d'avoir des tubes à n'importe quel prix, ça ne m'intéresse pas.

Regardez le clip de "Dans la peau" de Camélia Jordana


C'est compliqué de vouloir garder une éthique artistique et en même temps de faire en sorte que les gens entendent des morceaux, non ?
Oui ça l'est. Mais on est obligé sinon les gens n'ont pas accès à ma musique et moi à eux. J'ai pas le choix. Après ça peut ne pas plaire. Comme c'est abouti, ça peut plaire... ou pas ! Le travail peut être reconnu, je suis très fière de mon album, je l'assume complètement, je me suis permise de prendre beaucoup plus de place sur ce disque. Je savais ce que je voulais pour tout. J'ai été patronne de mon projet, il me ressemble vraiment, c'est totalement moi. Maintenant ça ne m'appartient plus, c'est le public qui va juger mon travail.

Tu t'en fous d'avoir des tubes ?
Des tubes je m'en fous. C'est pas le format du morceau qui compte, c'est la place qu'il a. Si un morceau comme "Lettera" sur le premier album avait pu être un tube, "Mazel Tov" ! Mais il se trouve que c'est pas le cas, car c'est pas ça le format de la radio. Après, on ne sait jamais...


Quand on écoute l'album, on dirait que tu ne te sens pas à ta place, notamment sur les titres "Ma gueule" ou "Illégale".
Je suis chez moi partout et nulle part
Oui c'est normal ! Mais je raconte des histoires. Il ne s'agit pas de moi, même si je parle à la première personne. Comme quand un auteur écrit un roman. "Illégale" est l'histoire d'une pute et pas d'une femme voilée comme on pourrait le croire. J'ai bien aimé le décalage. « C'est une pute arabe, on part là dessus » (Rires). "Ma gueule", ça parle du sentiment d'être étranger chez soi. J'avais besoin d'écrire là dessus. Le déclic, ça a été une scène raciste à laquelle j'ai assisté dans le métro. Ensuite j'ai vu un documentaire d'un auteur algérien qui s'appelle Kateb Yacine, très beau, très chic, qui a une plume sublime. Il avait observé des travailleurs algériens dans le 13ème arrondissement qui reconstruisaient Paris pavé après pavé. Dans le docu il dit : « Ici c'étaient des heures d'ennui, des besoins de tristesse pour penser au pays » . Je me suis dit, c'est tellement beau, il faut que j'écrive là-dessus.

C'est très politique du coup comme message ?
Non, ça ne parle que d'une sensation qui est universelle. Un sentiment qui est d'être étranger chez soi, qui est valable partout dans le monde. Et qui a été très présent ces dernières années en France je pense. Toutes les personnes étrangères, de première ou deuxième génération... Ou même les gays avec tout ce qui s'est passé. Tous les gens qui ne se sentent pas légitimes. C'était très important pour moi d'écrire là dessus.

J'ai une bonne étoile qui fait bien son travail
Dans l'album tu parles de plein d'endroits : "Miramar", une plage de ton enfance, Berlin, Paris, "La fuite" avec l’Amérique Latine... Elle est où Camélia Jordana dans tout ça ?
Un peu partout ! J'en parlais avec un pote à Barcelone cet été. Comment gérer le fait d'avoir un "chez soi" dans ces conditions-là ? Je vis à Bruxelles, là je travaille à Paris, mes parents sont dans le sud de la France, j'ai des amis partout. Et j'ai toujours voulu voyager. Par chance avec mon métier, je fais de la musique, en voyageant, et je suis payée ! (Rires). Je suis chez moi partout et nulle part. Et ça nourrit ma musique énormément.

Où est-ce que tu te sens le mieux ?
Dans le sud, il y a des sons, des accents, des odeurs, des couleurs, qui me sont confortables. C'est particulier pour moi. Mais j'ai besoin de "l'ailleurs".

Regardez le clip de "Ma gueule" de Camélia Jordana


Il y a un truc à part chez toi. Tu viens d'un programme télé populaire, et tu n'as jamais eu d'étiquette "ringarde", les critiques t'adorent. Comment tu expliques ça ?
Je pense que j'ai beaucoup de chance ! J'ai une bonne étoile qui fait bien son travail. Et du coup j'ai la chance d'être sollicitée pour des projets qui me parlent beaucoup, dont je suis très fière. Ce sont des choix égoïstes, je décide toujours d'aller dans une direction, je sélectionne ce qu'on me propose. C'est renoncer à certains choses aussi... Le fait d'avoir bossé avec Babx, Mathieu Boogaerts, L, sur le premier album, a imposé quelque chose. Je me suis rangée auprès d'une famille musicale. C'est comme ça que viennent les propositions.

Julien Doré a révolutionné les télé-crochets
La grande époque des télé-crochets, où les candidats arrivaient à imposer leur univers, c'est pas un peu terminé ?
Je ne peux pas te répondre, je n'ai pas de télé depuis des années ! Je n'ai jamais vu "The Voice". J'ai le sentiment que Julien Doré avait révolutionné la façon dont les télé-crochets fonctionnaient. Il est venu créer quelque chose avec des reprises, c'était un artiste qui dévastait une chanson et qui en faisait son truc, qui se l'appropriait. C'était pas un chanteur qui chantait une chanson. Il a rendu beaucoup de choses possibles artistiquement à la télévision.

Et tu ne veux pas intégrer un jury de télé-crochet pour défendre cette vision ?
(Rires) Non ! Étant donné que je pratique, je fais de la musique et que je viens de là, j'assumerais pas la responsabilité de dire non à quelqu'un, de lui fermer la porte. Je trouve ça très délicat, beaucoup trop lourd à porter comme responsabilité. Je n'ai fait que deux albums ! J'ai pas quinze ans d'expérience derrière moi ! Il y a une question de légitimité à se poser... Par contre je parlais de ça avec Nikos récemment, chroniquer des albums à la radio, que j'aime, parler de musique, ça oui !

Le cinéma, j'adore ça !
Les albums de reprises, pour ou contre ?
On m'en a proposés. J'adorerais faire un album de reprises. Après faut trouver un concept. Avec des arrangements parfaits. Je ne suis pas contre, ça dépend des projets. Tout dépend du droit de regard qu'on a sur le mix, les arrangements, qui sont essentiels pour moi. Quand on me demande de venir juste comme chanteuse, qui s'en fout du reste, sans droit de regard, je refuse. Ça ne m'intéresse pas. Maintenant si on me propose de chanter avec mon son, mes musiciens, mon équipe, oui avec plaisir. Attention je dis ça juste sur mon morceau ! Je ne suis pas la meuf qui dit "quoi ?! elle aussi elle est là" ! (Rires).

Et le cinéma dans tout ça, on sent que ça te titille ?
J'ai tourné dans un film cet été, là je pars au Maroc en faire un autre. J'adore ça le cinéma. Peut-être qu'un jour je ferai de la réalisation. J'adorerais raconter des histoires en images ! Enfin je ne suis pas encore là ! Je suis que comédienne aujourd'hui. Les gens te disent si tu travailles ou non, on vient me chercher. La musique, si je veux faire un album dans ma chambre, je peux. Alors que jouer dans un film qui n'est pas de moi, c'est plus compliqué ! (Rires)

Pourquoi ne pas mêler les deux et chanter dans un film quasi-musical dans lequel tu jouerais, un peu comme dans un film de Christophe Honoré ?
J'adorerais pouvoir faire ça ! Mais j'ai déjà 1000 projets différents, c'est génial.

Et la tournée, tu as des volontés, des idées ?
Oui ! La tournée se déroulera de janvier à mi-février. J'ai hâte de retrouver les gens. J'aimerais faire un vrai spectacle, type opéra, sans applause entre les morceaux, avec des textes, des décors évolutifs, des costumes, ça m'excite beaucoup ! Sinon je fais un opéra contemporain aux Bouffes du Nord, "La bohème" de Puccini, version moderne, berlinoise un peu véner, de Guillaume Vincent que j'adore. Je suis surexcitée !

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